La Cour de cassation, première chambre civile, a rendu un arrêt le 3 mars 2021, numéro 19-21.420, Légifrance.
En l’espèce, B F est décédé après avoir souscrit, le le 11 mars 2003, un contrat d’assurance sur la vie au profit de M T, désigné comme bénéficiaire.
Du 1er décembre 2007 et jusqu’à son décès, B F a bénéficié de l’aide sociale du département de l’Allier pour la prise en charge de ses frais de séjour dans une maison de retraite.
Par arrêté, le président du Conseil général de l’Allier a décidé de récupérer une somme d’argent au titre de l’aide sociale versée à BF à l’encontre de MT.
M T a formé un recours devant la Commission départementale d’aides sociales.
La Commission a rendu un arrêt aux termes duquel elle a dit n’y avoir lieu à récupération de la somme de 9 224,10 7€ versée par le Département au titre de l’aide sociale à B F.
Le Conseil départemental de l’Allier a relevé appel.
La Cour d’appel de Riom a rendu un arrêt le 18 juin 2019 aux termes duquel elle a dit n’y avoir lieu à récupération de ladite somme.
Elle affirmait que le président du Conseil départemental ne rapportait pas la preuve d’une intention libérale de MF lors de la souscription du contrat d’assurance vie au bénéfice de MT et en a déduit qu’il ne pouvait exercer une action en récupération sur les capitaux du contrat d’assurance vie.
La Cour de cassation, première chambre civile, a cassé l’arrêt d’appel.
Elle fait grief à la Cour d’appel de n’avoir pas recherché si le contrat d’assurance vie présentait une utilité pour MF, notamment en considération de son âge (77 ans au moment de la souscription), de l’importance des fonds placés (correspondant à la quasi-totalité de son patrimoine) et de l’absence de déclaration du contrat lors du dépôt de la demande d’aide sociale.
En effet,1e contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si compte tenu des circonstances dans lesquelles il a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale (volonté de se dépouiller irrévocablement) de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et cette intention libérale s’apprécie par rapport à l’utilité du contrat : on regarde l’importance des fonds placés, la situation familiale et patrimoniale du souscripteur, et l’utilisation qui est faite de ce contrat.
De sorte qu’en s’y abstenant, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale regard des articles L 132- 8 du Code de l’action sociale et des familles, 894 du code civil et L 132-13 et L 132-14 du Code des assurances.
En vertu de l’article L 132-8 du Code de l’action sociale et des familles, le Département peut exercer un recours en récupération des sommes avancées contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande.
En vertu de l’article 894 du Code civil, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles le bénéficiaire a été désigné, révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable.
La Cour d’appel s’était contentée de dire qu’il n’y avait lieu à récupération du montant de l’aide sociale versée à B F (souscripteur), après avoir énoncé qu’un contrat d’assurance-vie ne peut être requalifié en donation que lorsque sont établies non seulement l’intention libérale du souscripteur mais également une disproportion entre les primes versées et les revenus de ce dernier, en se bornant à constater que la preuve de ces conditions n’était pas rapportée par le Conseil départemental.
La Cour de cassation considère que la Cour d’appel ne pouvait se contenter de rejeter la demande du Département en se contentant de « motifs généraux ».
Elle aurait dû aller plus loin en s’expliquant sur les données propres du litige, comme cela lui était demandé, s’agissant de l’âge du souscripteur, de l’importance des primes versées et de l’utilité du contrat pour ce dernier.
En s’abstenant, elle n’a pas donné de base légale à sa décision.
Cette jurisprudence civile s’inspire de ce qui avait été jugé par le Conseil d’Etat (requalification des assurances-vie en donations) si les conditions le permettent.
Cette jurisprudence est également applicable dans les relations entre héritiers.
Me Ronit ANTEBI Avocate
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