Historiquement, la garde à vue – c’est-à-dire la possibilité pour un policier de garder un suspect à sa disposition le temps de l’interroger ou de rechercher des indices – n’existait pas. Les policiers présentaient le suspect au procureur de la République et ce dernier pouvait décerner un mandat d’amener ou de dépôt. Le magistrat conduisait l’enquête.
Mais dans la pratique, les policiers avaient développé des techniques pour interroger le suspect, ce qui commençait à s’apparenter à une garde à vue illégale.
Le Code de procédure pénale de 1958 légalisait la garde à vue mais l’encadrait.
Des réformes sont intervenues et la dernière a renforcé le rôle de l’avocat.
Selon l’article 62-2 du Code de procédure pénale :
[blockquote]”La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.”[/blockquote]
Cette mesure doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants :
- Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;
- Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ;
- Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;
- Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;
- Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;
- Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit ».
Certes, la garde à vue est une mesure policière privative de liberté nécessaire à la manifestation de la vérité, mais elle doit être respectueuse des droits de la défense.
C’est ce à quoi l’avocat dont le rôle a été accru veille continuellement.
Renforcement du contrôle par le Procureur de la République :
Le Procureur visite les locaux de police au moins une fois par an.
S’il relève des conditions de garde à vue irrespectueuses de la dignité humaine, il en informe le chef du service de police ou de gendarmerie ainsi que le Procureur Général, ce dernier devant alors en aviser la Direction des affaires criminelles et des Grâces.
De même, les parlementaires et sénateurs sont autorisés par la loi à visiter les locaux de police.
En pratique, les manques de moyens matériels et d’effectifs des magistrats vident quelque peu la loi de sa substance.
Mais le contrôle du Procureur s’étend également sur les modalités de la garde à vue.
Ainsi, l’officier de police judiciaire doit informer le Procureur du placement en garde à vue dès le début de la mesure, à peine de nullité de celle-ci.
En pratique, cela se fait par téléphone ou si le parquet n’est pas joignable, par télécopie.
La loi du 14 avril 2011 impose même à l’OPJ d’informer le parquet aussi des motifs du placement, des faits reprochés et de leur qualification pénale.
A tous les stades de l’enquête de police, le Procureur doit veiller à ce que les mesures policières soient proportionnées aux faits reprochés et à la manifestation de la vérité.
Il veille également à ce que la garde à vue ne soit pas prolongée excessivement.
Cette mesure a normalement une durée de 24 heures et elle peut être prolongée d’une nouvelle durée de 24 heures avec l’autorisation du Procureur lequel peut décider un terme plus court.
La prolongation n’est possible que si les faits reprochés sont passibles d’un emprisonnement d’au moins un an pour crime ou délit et seulement pour les motifs énumérés ci-dessus.
La prolongation de la garde à vue n’est possible pour les mineurs de treize à seize ans que si les faits reprochés sont de nature criminelle ou punis d’une peine d’emprisonnement supérieure à cinq ans.
Des régimes dérogatoires prévalent en matière de délinquance et de criminalités organisées, de terrorisme et de trafic de stupéfiants.
Le point de départ du délai de la garde à vue est l’interpellation c’est-à-dire le moment où le prévenu est appréhendé par les forces de police.
L’officier de police judiciaire a l’obligation de mentionner dans le procès-verbal de police le jour et l’heure de la garde à vue.
La durée entre l’interpellation et la conduite au commissariat doit être aussi brève que possible. Elle ne doit pas être de plusieurs heures faute de quoi, il y aurait « séquestration arbitraire ».
Concernant les conduites en état d’ivresse, il est admis que l’individu fasse l’objet d’une mesure de dégrisement avant audition puis placement en garde à vue.
La notification des droits est différée lorsque le suspect est alcoolisé.
Si la personne se présente spontanément au commissariat le début de la garde à vue correspond au comment de l’audition avant le placement.
La garde à vue prend fin à l’expiration du délai total.
A l’issue de la garde à vue, la personne est, sur autorisation du procureur, soit remise en liberté, soit déférée au parquet.
Les droits du gardé à vue :
Avant la loi du 4 janvier 1993, le seul droit reconnu au gardé à vue était celui de solliciter un examen médical à l’issue de 24 heures.
Les nouvelles dispositions textuelles ont étendu les droits du gardé à vue.
Le droit de prévenir un tiers
Le gardé à vue peut faire prévenir par téléphone un époux, un concubin, un parent en ligne directe, un frère ou une sœur, son curateur ou son tuteur ; en sus, il peut faire prévenir son employeur ainsi qu’une autorité consulaire.
Cette demande doit être exprimée par le gardé à vue et l’officier de police judiciaire ne peut pas lui imposer.
Le droit d’informer un tiers s’exerce à tout moment de la garde à vue et dès que le gardé à vue en fait la demande, celle-ci doit être satisfaite au plus tard dans les trois heures qui suivent cette demande (et non plus à compter du placement en garde à vue).
Concrètement, l’intéressé va donner à l’officier de police judiciaire le numéro de téléphone du tiers à prévenir mais il ne pourra pas directement s’entretenir avec le destinataire.
L’objet de l’entretien téléphonique est de prévenir le tiers du placement en garde à vue et de faire en sorte que l’examen médical ou l’assistance d’un avocat soit décidé de concert avec les proches.
Le droit de garder le silence
La personne gardée à vue est immédiatement informée qu’elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs.
Le droit au silence n’a pas été créé par la loi ; il s’agit d’un droit naturel supra-législatif consacré par la Cour européenne des droits de l’homme.
Ce droit doit être notifié à l’intéressé qui peut l’exercer à tout moment de la garde à vue.
En pratique, le mutisme complet n’est pas toujours la bonne attitude à adopter mais il faut comprendre aussi que le suspect n’ait pas intérêt à tout dire à ce stade de l’enquête car il n’est pas tenu de participer à sa propre incrimination.
L’examen médical
La désignation d’un médecin peut intervenir à tout moment de la garde à vue si l’intéressé est majeur.
Elle a lieu dès le début de la garde à vue s’il est mineur de seize ans.
Avant 1993, cette désignation n’était pas de droit. Elle intervenait sur demande et si le parquet l’estimait nécessaire.
En cas de prolongation, l’intéressé peut demander à être examiné une seconde fois. La demande peut provenir de l’intéressé ou de la famille de celui-ci mais elle a lieu d’office si personne n’en fait la demande.
Le médecin doit notamment se prononcer sur l’aptitude de l’intéressé au maintien en garde à vue et procède à toutes constatations utiles (sévices…).
Le certificat médical est versé au dossier de l’intéressé et celui-ci protège à la fois le gardé à vue de risques de violences et les officiers de police contre des allégations calomnieuses.
La Cour de cassation a d’ailleurs jugé que si la garde à vue est incompatible avec l’état de santé du suspect, elle doit être interrompue. A défaut, la garde à vue est nulle ainsi que tous les actes subséquents et ce, sans que le gardé à vue n’ait à invoquer le moindre grief.
Le médecin peut également procéder à des soins ou prescrire le traitement adapté.
L’examen a lieu dans les locaux de la police.
Depuis la loi du 15 juin 2000, les examens corporels internes ne peuvent être entrepris que par un médecin.
Le droit à s’entretenir avec un avocat
Dans une décision du 11 août 1993, le Conseil constitutionnel avait considéré que le droit de la personne à s’entretenir avec un avocat au cours de la garde à vue constitue un droit de la défense.
Or en France, la présence de l’avocat lors de la garde à vue n’était pas acquise.
Cette question avait fait l’objet de débats controversés.
Et le fossé entre la législation française et celle des Etats membres ne cessait de se creuser.
Contre la présence de l’avocat, on faisait valoir qu’il y avait un risque de « fuite » des informations.
Pour sa présence, on faisait valoir le principe de la présomption d’innocence.
En 1993, le législateur a opté pour la voie minimaliste : un simple entretien du suspect avec le conseil.
La loi du 14 avril 2011 y ajoute la présence de l’avocat durant les auditions, et la possibilité pour ce dernier de consulter certains procès-verbaux.
L’intéressé a le droit de choisir un avocat qu’il connaît. S’il n’en connaît pas, l’officier de police judiciaire contacte le bâtonnier de l’Ordre des Avocats afin qu’il lui en soit commis un d’office.
Pour les infractions de droit commun, l’avocat intervient dès le début de la garde à vue puis dès le début de la prolongation.
La loi du 14 avril 2011 prévoit la présence de l’avocat au cours des auditions du suspect mais ne lui accorde pas le droit de s’entretenir avec l’avocat avant chaque audition.
La première audition ne peut débuter avant l’expiration d’un délai de deux heures suivant l’avis adressé à l’avocat.
Quand il s’agit d’une confrontation de la personne gardée à vue avec la victime, celle-ci a également le droit à un avocat.
Exceptionnellement et pour les nécessités de l’enquête, l’officier de police judiciaire peut demander au Procureur d’organiser l’audition avant l’expiration du délai de deux heures ; il doit obtenir l’autorisation écrite du procureur de la République.
De même, pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête, l’officier de police peut demander au Procureur de retarder la présence de l’avocat (article 63-4-2 du C. pr. pén.).
Conditions matérielles de l’intervention de l’avocat :
L’entretien de l’avocat débute par l’arrivée de celui-ci dans le local de police.
L’entretien avec la personne gardée à vue ne peut dépasser 30 minutes.
Il est confidentiel et ne peut se dérouler en la présence d’un fonctionnaire de police à peine de nullité de procédure (CA Paris 24 janvier 2005 : Juris Data n° 2005-270827).
L’entretien ne se déroule pas téléphoniquement et un local doit être spécifiquement aménagé à cet effet.
L’avocat est informé de la nature et de la date de l’infraction.
Il peut demander à consulter le procès-verbal de notification des droits lors du placement en garde à vue, le certificat médical et le procès-verbal d’audition de son client si ce dernier s’est exprimé librement avant la garde à vue.
Il ne peut pas obtenir copie de ces procès-verbaux.
Il peut cependant prendre des notes et consigner des observations écrites dans le dossier qui seront jointes à la procédure.
Il peut adresser copie de ses observations au Procureur lors de la garde à vue.
Les nouvelles dispositions du Code de procédure pénale confient la direction des auditions et confrontations à l’officier de police judiciaire.
D’ailleurs, en cas de difficulté entre l’officier et l’avocat, l’enquêteur peut mettre un terme à l’audition et en aviser le procureur afin que ce dernier saisisse le bâtonnier pour obtenir le remplacement de ce conseil.
L’avocat ne peut pas poser de questions au cours de l’audition ou de la confrontation.
Il pose des questions uniquement à l’issue de celles-ci.
L’enquêteur peut s’opposer à des questions qui seraient de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête.
L’avocat ne peut toujours pas assister aux perquisitions policières.
Il reste encore des progrès à faire afin de mettre en conformité le droit français avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.