La notion de prescription ne correspond plus à notre société contemporaine où l’on se rappelle de tout, où rien ne s’éteint vraiment.
Les progrès de la police scientifique ont inondé les enquêtes judiciaires du XXIe siècle et grâce à l’ADN, on peut connaître la vérité des décennies après la commission des faits.
Le législateur a considéré que les délais de prescription de l’action publique apparaissent aujourd’hui excessivement courts.
Beaucoup de subterfuges jurisprudentiels avaient permis de reporter le point de départ du délai de prescription afin de servir l’intérêt légitime des familles des victimes.
Délai de prescription de l’action publique
Depuis la nouvelle loi, article 7 du Code de procédure pénale, les délais de droit commun des prescriptions en matière pénale sont de :
- un an pour les contraventions (article 9 du CPP)
- 6 ans pour les délits (article 8 du CPP)
- 20 ans pour les crimes (article 7 du CPP).
L’imprescriptibilité des crimes spécifiques (terrorisme, trafic de stupéfiants…), la prescription abrégée en matière de presse, électorale sont maintenus.
Les enquêteurs de police doivent indiquer sur le dépôt de plainte le délai de prescription de l’action publique applicable à l’infraction considérée.
Le point de départ de la prescription pénale
La loi nouvelle réaffirme le principe selon lequel le délai de prescription pénale court à compter du jour où l’infraction a été commise.
Mais elle reporte le point de départ de ce délai de prescription à la majorité de la victime pour les infractions commises à l’encontre des mineurs.
Certains délits commis à l’encontre de personnes vulnérables font l’objet d’une prescription qui court à compter du jour où l’infraction apparaît à la victime dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.
La loi consacre la jurisprudence de la Cour de cassation qui reporte le point de départ du délai de prescription pénale en matière d’infractions occultes ou dissimulées non pas au jour où les faits ont été commis mais au jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder 12 années révolues pour les délits et 30 années révolues pour les crimes à compter du jour l’infraction a été commise (article 9 – un Lyna 3 nouveaux du CPP).
La chambre criminelle exige cependant que des manœuvres particulières aient été utilisées par l’auteur de l’infraction pour dissimuler l’infraction, le seul état d’ignorance de la victime ne suffisant pas à caractériser la dissimulation.
Interruption et suspension du délai de prescription pénale
La loi nouvelle a réaménagé le dispositif d’interruption et de suspension du délai de prescription.
Le délai de prescription est plus largement interrompu qu’auparavant. Il est interrompu par tout acte émanant du ministère public ou de la partie civile tendant à la mise en mouvement l’action publique, tout acte d’enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire ou un agent habilité tendant effectivement à la recherche, la poursuite des auteurs de l’infraction, tout acte d’instruction prévu aux articles 79 à 230 du code de procédure pénale accompli par un juge d’instruction, chambre de l’instruction, des magistrats, officiers de police judiciaire tendant effectivement à la recherche et la poursuite des auteurs d’une infraction, tout jugement ou arrêt même nom définitif s’il n’est pas entaché de nullité. Ces actes interrompent le délai de prescription. Le législateur impose désormais à la police judiciaire de mentionner sur le dépôt de plainte la possibilité d’interrompre la prescription de l’action publique (article 9 – 2 derniers alinéas du CPP).
Quant à la suspension du délai de prescription pénale, la loi nouvelle s’inspire des critères dégagés par la Cour de cassation. Lorsque les parties poursuivant sont dans l’impossibilité d’agir, lorsqu’elles sont confrontées à un obstacle de droit ou à un obstacle de fait, insurmontable et assimilable à la force majeure qui rend impossible la mise en mouvement de l’action publique, le délai de prescription est suspendu.
Conclusion :
Le législateur a reporté le point de départ du délai de prescription et doublé le délai de prescription. C’est une bonne chose. Toutefois il n’est pas allé encore assez loin. Au moins, pour toutes les infractions relatives aux agressions sexuelles, à la traite des êtres humains, au proxénétisme, à la prostitution, à la corruption de mineurs, aux atteintes sexuelles, notamment sur mineurs … il aurait été particulièrement avenant que le législateur adopte l’imprescriptibilité.
De même, certaines infractions dissimulées peuvent être très graves. On peut prendre l’exemple de la pratique du nucléaire sur le territoire français qui est ignoré par la population. De tels actes sont gênants car ils peuvent entraîner la mise en cause de la responsabilité de l’État ou des communes ou des ministères ou des Directions. La notion de « secret défense » fait évidemment obstacle à toute mise en mouvement l’action publique même si la victime a eu le temps de prendre connaissance des faits à la suite du déclenchement d’une maladie par exemple et l’information qui a pu lui être desservie par le biais des associations environnementales locales (par exemple, affaire du « Fort de Vaujours »). Le délai de 12 années après que la victime ait été mise à même de porter l’action en justice, ne suffit pas car on ne peut porter l’action justice à défaut de preuve. La confection des preuves nécessite davantage de temps parfois que 12 années.
En réalité cette nouvelle règle de prescription visant les infractions dissimulées me paraît inadmissible et semble davantage avoir eu pour finalité de protéger les hommes politiques qui ont pu décider un jour l’autre de placer leurs avoirs bancaires dans un paradis fiscal.
Ronit ANTEBI Avocat à Cannes
13 novembre 2017