Pensions alimentaires impayées et insuffisance des dispositifs législatifs de recouvrement
Suite à un divorce, ou en cas de séparation, le juge aux affaires familiales va mettre à la charge du parent qui exerce un droit de visite et d’hébergement et qui n’a pas la résidence habituelle des enfants, une pension alimentaire.
Elle sera fonction des revenus du débiteur et du créancier, et des besoins de l’enfant.
Elle sera indexée tous les ans.
Le juge aux affaires familiales pourra être saisi ultérieurement si un élément nouveau survient dans la situation du débiteur ou des enfants.
Dispositifs légaux de recouvrement des pensions alimentaires souvent inefficaces et fastidieux
La problématique tient au fait que pendant la procédure, le probable débiteur ne souhaite pas communiquer son avis d’imposition ni son résultat fiscal de l’année échue. Ce défaut de communication est volontaire, intentionnel s’il a pour objectif d’éluder la question du calcul de cette pension alimentaire.
Dans une telle hypothèse, le parent créancier de la pension alimentaire peut être dans une situation difficile car il ne parvient pas à prouver le montant des revenus du parent débiteur.
Certes, le juge peut inviter le débiteur à produire ses justificatifs de revenus en l’informant que s’ils ne les produit pas, il rendra son jugement en connaissance de cause. Cependant, l’expérience montre aussi que le juge, n’ayant pas à disposition l’avis d’imposition du débiteur, hésitera à ordonner un montant de pension alimentaire suffisamment généreux.
L’avocat du créancier pourra faire jouer l’article L 143 du livre des procédures fiscales aux termes duquel le juge est invité à pouvoir demander à l’administration fiscale les justificatifs de revenus du parent qui sera condamné à payer la pension alimentaire. Cette disposition est intéressante mais elle sera excipée à l’initiative d’un avocat.
Une fois le jugement rendu, condamnant le débiteur à payer la pension alimentaire et en ordonnant un certain montant, le créancier pourra rencontrer d’autres obstacles et difficultés.
En effet, il n’est pas rare que le débiteur de la pension alimentaire n’exécute pas le jugement. La loi a mis en place un système de paiement direct qui permet de recouvrer les pensions alimentaires impayées dans la limite des six derniers mois et en ce qui concerne les pensions à venir à condition qu’au moins une seule pension alimentaire n’a pas été payée dans les six mois précédents. Il faut alors saisir un huissier de justice et celui –ci va récupérer les pensions alimentaires directement auprès de l’employeur du débiteur.
Il existe aussi la possibilité de saisir un huissier de justice pour lui demander de procéder au recouvrement des pensions impayées par le truchement de la saisie-attribution sur le compte bancaire du débiteur. Mais ce dernier aura encore la possibilité de contester cette saisie-attribution en saisissant le juge de l’exécution et en demandant la mainlevée de cette mesure si elle ne répond pas aux conditions légales de mise en œuvre, avec le remboursement des frais irrépétibles.
Il ressort de ces dispositions légales plusieurs cas de figure qu’elles n’ont pas prévus.
En effet, les dossiers que j’ai eu à traiter ont montré que le débiteur est malin et astucieux.
Il sait que dans le cadre d’une instance, le JAF ne recourt pas systématiquement aux dispositions précitées de l’article L 143 du LPF. Ainsi, il prend l’avantage en persistant à faire l’économie de la production de son avis d’imposition.
Ultérieurement, au lieu de ne pas payer la pension alimentaire, et sachant que tout défaut de paiement pourrait le conduire jusqu’à la voie pénale le cas échéant, il peut faire le choix d’une autre méthode de nuisance consistant à payer irrégulièrement les pensions alimentaires.
Dans un de mes dossiers, le couple était divorcé depuis septembre 2013. Depuis octobre 2013 jusqu’en septembre 2015, le débiteur avait délibérément payé 1300 € au lieu de 1400 € de pension alimentaire. Puis, à partir d’octobre 2015, il décidait unilatéralement de rembourser à son ex- épouse seulement 50 € mensuellement. La créancière ne lui avait pourtant pas accordé un quelconque échelonnement. Puis dans une troisième période, le débiteur s’autorisait à virer la pension alimentaire sur le compte de la créancière à sa bonne guise, les 7, 9, 11 de chaque mois tandis que le jugement de divorce avec précisé qu’il devait régler la pension alimentaire au plus tard le 5 de chaque mois.
Cette situation n’est pas prévue par le législateur en tant que telle. Elle se situe aux frontières de ce que peut faire un débiteur malhonnête. Dans une telle hypothèse, le paiement direct ne peut pas être mis en place à défaut de manquement au paiement d’une pension alimentaire complète pendant un mois révolu et sans remboursement ultérieur. La loi ne prévoit pas les cas dans lesquels le créancier est victime des paiements tardifs de pensions alimentaires.
Le concours de la CAF n’est pas très efficace en pratique car la Caisse exige un certain nombre de conditions, comme le fait d’avoir préalablement eu recours à un huissier de justice sans succès, et que le créancier ne peut pas toujours réunir.
Le concours du service des impôts est également assez improbable dès lors que si le trésor public se substitue au créancier dans la perception des pensions alimentaires auprès du débiteur, il est réclamé au passage des frais qui peuvent être de l’ordre de 30 % sur la somme perçue. Cette situation n’est pas avantageuse pour le créancier.
L’on ne peut ignorer que la situation de la société civile évolue et que nombre de foyers sont constitués par des mères auprès desquelles résident les enfants suite à un divorce parfois conflictuel. Il est donc urgent que le législateur rebatte certaines de ses cartes à cet égard et améliore les possibilités de perception par contrainte de la pension alimentaire. La situation législative sur ces questions reste à parfaire.
Ronit ANTEBI Avocat droit de la famille
Le 30 septembre 2017