Il n’y a pas de partage amiable dans un inventaire notarié.
Il n’y a pas de recel à l’égard d’un successible non assujetti à l’obligation du rapport.
L’arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation en date du 20 octobre 2010 (pourvoi n° 09-16157, Légifrance) est intéressant à deux égards.
Sur l’absence de partage amiable
L’article 816 du Code civil dispose :
Le partage peut être demandé, même quand l’un des indivisaires a joui séparément de tout ou partie des biens indivis, s’il n’y a pas eu d’acte de partage ou une possession suffisante pour acquérir la prescription.
En l’espèce, André est décédé en novembre 1998, laissant pour lui succéder son frère et un couple de légataires pour la moitié de ses biens.
La cour d’appel ordonne le partage judiciaire.
Les demandeurs au pourvoi en cassation ont démontré que l’inventaire des biens mobiliers et la prisée de ceux-ci ne suffisaient pas à établir l’existence d’un partage amiable faisant échec au partage judiciaire.
En effet, la succession portait également sur des avoirs bancaires et ceux-ci n’ont pas été inventoriés.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en considérant qu’elle aurait dû, avant d’ordonner le partage judiciaire, s’assurer qu’un partage amiable n’était pas intervenu s’agissant de ces autres actifs successoraux non inventoriés.
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée si un partage amiable n’était pas intervenu entre (les héritiers), la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé.
Donc pas de partage judiciaire sans vérification préalable de l’existence d’un partage amiable lequel ne saurait découler d’un seul inventaire notarié.
Sur l’absence de recel à l’encontre d’un successible qui n’est pas soumis au rapport
L’article 843 du Code civil dispose que
Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Les donations sont rapportables lorsqu’elles sont faites à un héritier soumis au rapport.
Dans cet arrêt précité, le frère du défunt avait soutenu que le couple de légataires à titre universel avait un fils (Patrick) qui décèdera, ayant bénéficié de libéralités de la part du défunt, qui avaient été dissimulées et qu’à défaut de les déclarer, il s’exposait à la peine du recel successoral.
La cour d’appel avait effectivement condamné ce couple légataire à titre universel à la sanction du recel car il n’avait été possible de déceler cette dissimulation qu’à l’occasion de l’enquête pénale enclenchée à la diligence du plaignant.
La cour de cassation a cassé cette décision en considérant que les libéralités consenties par le défunt au fils de ce couple n’étaient pas rapportables à la succession, et qu’en l’absence d’héritiers réservataires, elles n’étaient pas non plus réductibles, de sorte que leur dissimulation ne pouvait être qualifiée de recel successoral.
Le couple avait été entendu par la gendarmerie et avait reconnu avoir bénéficié à plusieurs reprises de sommes d’argent du défunt André et avoir consenti un chèque à Patrick à qui André avait voulu faire plaisir en raison de nombreux services rendus.
La cour de cassation est partie de l’idée que seuls sont tenus au rapport les héritiers ayant bénéficié de donations du défunt.
Or le fils d’un couple de légataire à titre universel n’est pas un héritier ; il n’est donc pas tenu au rapport.
Les dons et legs faits au profit du fils d’un héritier sont toujours réputés avec dispense de rapport (le fils étant décédé) et les parents venant à la succession du donateur ne sont pas tenus au rapport.
En incluant dans la somme à rapporter à la succession celle correspondant à un chèque de 50.000 francs tiré par le de cujus non point à l’ordre des époux légataires mais à l’ordre de leur fils Patrick, que M André avait voulu gratifier au titre des services rendus, mais qui n’avait pas la qualité d’héritier, la cour d’appel a violé les articles 843 et 847 du Code civil.
Cette dernière solution peut être transposée au cas du conjoint survivant à qui le défunt a consenti une libéralité quelconque. Puisque les donations entre époux ne sont pas rapportables, et ne seraient pas réductibles en l’absence d’héritiers réservataires, la peine du recel successoral ne devra pas s’appliquer au conjoint survivant bénéficiaire d’une donation entre époux.