Requalification en donation indirecte
Lorsque le défunt avait, de son vivant, consenti une donation à l’un de ses héritiers, cette donation est réputée rapportable (sauf si la donation comporte une clause de dispense de rapport exprimée expressément).
S’il lui a octroyé de l’argent par tous moyens, par virements ou par chèques, cela peut être qualifié de dons manuels rapportables.
Lorsqu’il met son logement à disposition d’un héritier sans contrepartie onéreuse, la jurisprudence de la Cour de cassation requalifiait en donation indirecte à condition que le donataire avait manifesté une intention libérale de se dépouiller irrévocablement au profit du donataire. Elle partait de l’idée que l’héritier avait été avantagé car cette mise à disposition lui avait procuré une économie de loyers pouvant parfois être substantielle, et ce, au détriment du donateur et des autres membres de la fratrie.
Arrêt de la Cour de cassation première chambre civile du 11 octobre 2017, pourvoi n° 16-21419
Dans un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation (Légifrance, pourvoi n° 16-21419) en date du 11 octobre 2017, il s’agissait de Jean, décédé le 11 novembre 2008, laissant pour lui succéder son épouse et leurs deux enfants. Le fils assignait sa mère et sa sœur en partage judiciaire. La mère et la fille invoquaient reconventionnellement l’existence d’un avantage indirect par la mise à disposition du logement au fils sans contrepartie alors que tout héritier venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donation entre vifs, directement ou indirectement.
L’arrêt d’appel du 18 mai 2016 a rejeté leur demande de rapport à la succession de l’avantage indirect en considérant que l’avantage procuré au bénéficiaire du logement constituait un prêt à usage ou commodat car il n’impliquait aucune dépossession de la part du prêteur.
La mère et la fille ont intenté un pourvoi en cassation motif pris que la Cour d’appel aurait violé les textes (843 et 893 du Code civil), lui faisant grief de n’avoir pas dit que la jouissance gratuite d’un immeuble peut constituer un avantage indirect rapportable dès lors qu’il est établi d’une part, un appauvrissement du disposant, et d’autre part, son intention de gratifier
Absence d’appauvrissement et intention de gratifier du prêteur
La Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel et rejeté le pourvoi en considérant :
« Mais attendu que le prêt à usage constitue un contrat de service gratuit, qui confère seulement à son bénéficiaire un droit à l’usage de la chose prêtée mais n’opère aucun transfert d’un droit patrimonial à son profit, notamment de propriété sur la chose ou ses fruits et revenus, de sorte qu’il n’en résulte aucun appauvrissement du prêteur ;
Et attendu qu’ayant retenu que la mise à disposition par Jean X…à son fils d’un appartement depuis l’année 2000, sans contrepartie financière, relevait d’un prêt à usage, la cour d’appel en a, à bon droit, déduit qu’un tel contrat est incompatible avec la qualification d’avantage indirect rapportable ».
Requalification en prêt à usage ou commodat, décision d’espèce ou de principe ?
Cet arrêt opère un reflux quant à la requalification en donation indirecte que la jurisprudence consacrait auparavant lorsque le donateur mettait son logement à disposition de l’un de ses enfants au-delà de l’âge des études. Mais il n’est pas sûr que cet arrêt de rejet soit généralisable à tous les cas et qu’il constitue un arrêt de principe.
Hypothèse du logement dont il est réclamé restitution pour des raisons urgentes : qualification du commodat impossible
En effet, il est des cas rencontrés en pratique aux termes desquels le prêteur avait saisi le tribunal d’instance pour solliciter la restitution de son appartement, justifiant de motifs liés à la santé et à l’âge avancé qui nécessitait le placement en maison de retraite médicalisée payante. La mère d’un héritier avait en l’occurrence, établi un commodat mais celui-ci n’était pas à durée déterminée et par courrier, avait sommé son fils à lui restituer la jouissance de son bien. Le juge d’instance a rendu un jugement aux termes duquel il rappelle que l’obligation de l’emprunteur consistant à restituer le bien après usage de celui-ci est de l’essence du commodat, que si aucun terme n’a été convenu, le prêteur est en droit d’y mettre fin à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable. Le juge a pu considérer que le prêteur avait désormais un besoin urgent à reprendre possession de son bien compte tenu de sa situation financière et de son âge. L’emprunteur avait invoqué le fait que ses besoins de logement n’avaient pas cessé et avait produit un certificat médical aux termes duquel il était attesté un état dépressif et un problème professionnel. Le juge a considéré que même si les besoins de l’emprunteur n’avaient pas changé, ceux du prêteur étaient encore plus urgents car celui-ci et son époux devaient être admis en maison de retraite médicalisée compte tenu de leur état de santé qui déclinait et de leur âge avancé. Le couple devait vendre leur appartement en urgence pour pouvoir intégrer un EPAHD. Le juge d’instance a donc ordonné l’expulsion de l’occupant avec exécution provisoire.
Ce cas de figure laisse augurer que la requalification en prêt à usage ou commodat défini par l’article 1875 du Code civil comme « le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi » ne devrait pas être systématiquement retenue par les juridictions du fond. Il demeure une marge de manœuvre permettant d’établir que la mise à disposition dudit logement à l’héritier aurait appauvri le donateur qui n’aurait pas consenti à toute la période d’occupation par suite d’une demande de restitution notifiée par simple lettre de mise en demeure.
Ronit ANTEBI Avocat en droit des successions à Cannes
30/11/2017
Bonjour,
J’ai habité pendant 4 ans et demi dans un pied à terre appartenant à mes parents. ils y venaient régulièrement et n’ont jamais souhaité le louer même après mon départ. Au début je leur versais une indemnité mensuelle par chèques (mais je n’ai pas gardé les relevés bancaires) puis je suis tombé au chômage et ils n’ont plus demandé de compensation. Ils ont toujours gardé des clés et le droit de venir à leur guise même quand j’y habitais.
Dois-je rapporter à la succession?
Merci
Bonjour,
J’ai été attentive à votre commentaire. Afin de vous aiguiller au mieux de vos intérêts et afin de personnaliser le conseil que vous souhaiteriez solliciter. Je me permets de vous inviter à bien vouloir contacter mon cabinet à Cannes au 07 61 61 01 02.
Maître ANTEBI
Bonjour
Je suis propriétaire d’un grand Mas au sud de Perpignan. J’ai loué ce Mas à une association à titre gratuit. Le bail à été signé il y a 4 ans mais certaines clauses n’ont pas été respectées par l’association sans que cela ne me pose problème. L’association sous loue les chambres aux membres résidents, avec mon accord verbal. J’aimerais savoir si cette pratique est légale, ou si il vaudrait mieux que je mette ce bien à disposition de l’association gratuitement en donnant une autorisation de sous louer.
L’association dont l’objet consiste à organiser des stages et activités diverses dans le domaine du bien être, randonnées, yoga, méditation, alimentation.. tire l’essentiel de ses revenus des locations. Est ce que cela est légal.
Un certain nombre de membres résidents reçoivent les APL. L’association quant à elle demande à toute personne souhaitant devenir résident de passer par une période de probation de 3 mois, et un an avant d’être acceptée. Par conséquent l’association pourrait demander à une personne payant un loyer depuis plusieurs mois voir plus d’un an de partir, sans autre raison que de ne pas être acceptée par les autres résidents. Cela me semble en contradiction avec les règles régissant les locations, meublées ou non meublées. Y a t’il moyen de satisfaire aux besoin de l’association tout en respectant la légalité.
Merci de bien vouloir répondre à mes questions.
Bonjour,
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Maître ANTEBI