Mandat de protection future, respect de la volonté et de la dignité de la personne
Toute personne qui craint de devenir dépendante peut désormais recourir à un mandat de protection future.
Par hypothèse, cette personne est âgée ou bien malade. Par orgueil, dignité, indépendance, elle ne souhaite pas qu’un juge vienne lui retirer ses attributs juridiques.
Alors qu’elle est encore en capacité de discerner la réalité, qu’elle dispose de ses facultés mentales, elle décide à l’avance de se rendre chez le notaire pour signer un mandat de protection future.
Il s’agit, pour une personne désignée « mandataire », de confier à un « mandant » de son choix, le pouvoir juridique de prendre des décisions concernant sa personne et/ou ses biens.
L’avantage par rapport à une décision juridictionnelle réside dans le fait que cette personne reste maître du jeu.
Elle seule choisit par avance celui qui sera mandataire et qui prendra les décisions la concernant en ses lieu et place.
Insécurité du mandat de protection future
Toutefois le mandat de protection future me semble présenter quelque insécurité.
En effet, dans les dossiers que j’ai eu à traiter au sein de mon cabinet d’avocats, j’ai traité des situations dans lesquelles le petit-fils avait abusé d’une procuration bancaire générale que lui avait consentie sa grand-mère et pour consolider ses malversations, avait pris l’initiative de la conduire chez le notaire de famille afin de lui faire signer à son profit un mandat de protection future.
La grand-mère était atteinte de la maladie d’alzheimer et âgée de 93 ans. Ses comptes bancaires ont été progressivement vidés. Elle ne se rendait pas compte qu’elle dilapidait la succession et que d’un patrimoine avec des économies respectables, elle glissait vers une situation d’aide sociale.
Lors de la signature du mandat de protection future, le notaire n’y a plus que du feu. Il a authentifié cet acte en ignorant la véritable situation de cette pauvre dame qui était entré sous la coupe de son petit-fils, habitant près de chez elle et exerçant une mainmise sur son patrimoine et sa personne.
La fille de la mandante habitait beaucoup plus loin. Lorsqu’elle se rendait une fois par mois au domicile de sa mère, elle se rendait compte que celle –ci ne savait plus ce qu’elle faisait et qu’elle ne jurait que par son petit-fils, profiteur.
La problématique du mandat de protection future réside dans le fait qu’il n’y a pas de contrôle d’un juge lors de sa conclusion. Même si le notaire est là, il peut légitimement ignorer la situation réelle de la mandataire et être à mille lieux d’imaginer qu’elle est victime d’un abus de faiblesse.
Lors de la conclusion du mandat de protection future, la mandataire peut être en perte de discernement. Si aucun certificat médical ne permet d’attester qu’elle disposait de ses pleines capacités intellectuelles au jour de la signature de l’acte, il serait possible pour l’héritier non mandataire de venir soulever la nullité de ce mandat de protection future sur le fondement d’un défaut de capacité juridique.
Imaginant par ailleurs une autre hypothèse à l’occasion de laquelle cet héritier non mandataire décide de saisir le juge des tutelles afin de placer son parent sous un régime de protection légale comme la tutelle, ignorant par ailleurs que ce parent avait préalablement régularisé un mandat de protection future, reste à savoir lequel du régime de la tutelle ou du mandat de protection future va primer sur l’autre.
A mon sens, le juge des tutelles saisi, est à même de ne pas faire application du mandat de protection future si celui –ci a été consenti à un mandant dont il est rapporté que ses activités ont révélé un abus. Dans ce cas, il est très judicieux que le juge des tutelles, pendant la durée de l’instance, désigne un mandataire spécial qui sera habilité à établir un rapport financier susceptible de mettre en évidence les anomalies bancaires au profit des intérêts personnels du futur mandant.
Et à cela s’ajoute la clause insérée dans le mandat de protection future aux termes de laquelle le mandant est grassement rémunéré, la validité et donc l’efficacité juridique de l’acte – à le supposer même authentifié par acte notarié – me paraissent fragiles.
Cette problématique d’interférence entre le mandat de protection future et la tutelle devrait pouvoir s’atténuer avec la création et la publication d’un registre spécial recensant tous les mandats de protection future, et dont la finalité sera d’informer les magistrats et d’éviter de prononcer une mesure de tutelles pour respecter la volonté de la personne, ou encore de l’ordonner si elle s’impose, mais en connaissance de cause.
Ronit ANTEBI Avocat en droit des successions à Cannes
Le 22 septembre 2017