Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 1er février 2017 illustre un cas de recel successoral entre les enfants d’un premier lit et l’épouse en dernières noces (civ 1ère pourvoi n°16-14.323, Légifrance).
La Cour d’appel de Versailles a rendu un arrêt le 28 janvier 2016 aux termes duquel elle a admis l’existence d’un recel successoral au détriment de la conjointe survivante.
Un pourvoi en cassation a été intentée par la receleuse et il a été rejeté.
En cette espèce, Henry X avait eu deux enfants issus de précédentes unions, Mme Y et Mme Z. Il s’est remarié avec Mme A sous le régime de la séparation des biens, en novembre 1986, et a eu un troisième enfant avec elle, M Jean-François X.
En mai 1991, Mme A a acheté en son nom, un bien immobilier, financé selon l’acte de vente, par un emprunt souscrit par elle, et par des fonds personnels.
A son décès en mai 2004, Henry X a laissé pour lui succéder ses trois enfants et son épouse.
Mme A a renoncé à la succession le 30 septembre 2005.
Mme Y prend connaissance d’un jugement du 26 septembre 1995 portant révision de la prestation compensatoire due par Henry X à sa mère, dont les motifs révélaient que celui-ci déclarait avoir financé l’achat de l’appartement de Mme A par un apport initial de capital et le remboursement des échéances de l’emprunt.
Mme Y a assigné Mme A, M Jean-François X et Mme Z en partage de la succession de son père, en demandant de constater l’existence d’une donation dissimulée consentie par le défunt à la conjointe survivante et le recel successoral commis par cette dernière.
Mme Y soutient que son père a financé l’équivalent de 66 % du prix d’achat de l’appartement à Mme A.
Peu avant cette acquisition, Henry X avait vendu deux appartements pour un prix correspondant au montant de l’apport initial de Mme A.
Mme A ne verse pas aux débats les relevés bancaires permettant de vérifier qu’elle a bien financé une partie du bien immobilier à l’aide de ses deniers personnels.
Sa feuille d’imposition montre qu’elle n’a pas de revenus suffisants pour être en capacité de rembourser plus de la moitié de l’emprunt.
La Cour d’appel, sans inverser la charge de la preuve, a déduit de ces présomptions graves, précises et concordantes, qu’Henry X avait financé en grande partie l’achat de l’appartement de son épouse.
La cour de cassation juge : « attendu qu’ayant relevé que le financement de l’acquisition de l’immeuble par Henry X dissimulé par Mme A avait enrichi le patrimoine de cette dernière au détriment de celui d’Henry X sans contrepartie pour ce dernier, la Cour d’appel a caractérisé son intention de s’appauvrir au profit de son épouse, dans le but de la gratifier, et l’existence d’une donation déguisée ».
La demanderesse demande que Mme A soit condamnée à reverser la valeur recelée dans l’actif de la succession et qu’elle ne peut prétendre à aucune part sur les deniers recelés.
Le recel ne ressort pas de simples faits matériels mais suppose une intention de frauder et de dissimuler.
La Cour de cassation juge que c’est dans leur pouvoir d’appréciation souverain que les Conseillers d’appel ont relevé que Mme A avait, de façon mensongère, déclaré dans l’acte de vente que les fonds versés au titre de l’apport initial provenaient de ses fonds personnels ; que la donation déguisée n’a fait l’objet d’aucune déclaration au notaire chargé de la succession, et Mme A a délibérément et rapidement renoncé à la succession afin de favoriser sa clôture.
La Cour d’appel ajoute qu’elle a encore occulté la donation, lorsqu’en réponse à une lettre adressée par Mme Y faisant expressément référence au financement de son appartement en grande partie par Henry X, et lui demandant la réintégration de cette donation dans la succession, elle s’est bornée à l’inviter à se rapprocher du notaire, lequel ne pouvait que réitérer que celle-ci était clôturée. Les juges du fond ont donc ainsi caractérisé l’existence d’une manœuvre dolosive commise par Mme A dans l’intention de rompre l’égalité du partage au détriment des cohéritiers.
Le conjoint survivant n’est pas à l’abri d’une requalification de son acte d’acquisition en donation déguisée et en recel successoral en application de l’article 778 du Code civil.
Ronit ANTEBI Avocat expert en donation dans le droit des successions
(civ 1ère 1er février 2017, 16-14.323, Légifrance).