La Cour de cassation (1ère Chambre civile) a rendu un arrêt en date du 9 avril 2014 (Légifrance pourvoi n° 13-16348) estimant que l’auteur d’un recel successoral ne pouvait pas échapper à la sanction en renvoyant à une faute professionnelle du notaire pouvant lui procurant des dommages et intérêts.
Gabriel a des enfants issus de ses deux noces successives. Puis il décède, son père, Gérard, lui survivant.
A la suite du décès de Gérard, les enfants du premier lit de Gabriel et petit-fils, ont fait établir par le notaire une déclaration de succession et un acte de vente de plusieurs parcelles agricoles.
Les trois autres enfants issus de la seconde union de Gabriel, également héritiers de leur grand-père Gérard, sont oubliés dans la liquidation et le partage successoral. Ils introduisent une action en justice aux fins de condamnation de leurs cohéritiers à la peine du recel successoral.
La cour d’appel de Montpellier a déclaré les enfants du premier lit coupables de recel successoral, les a déchus de tout droit sur les biens divertis et a ordonné la réintégration de la valeur des parcelles vendues dans l’actif successoral. Reprochant au notaire d’avoir établi la déclaration de succession sans vérifier les actes d’état civil des héritiers et d’avoir manqué à son obligation de conseil, les enfants de premier lit de Gabriel ont exercé un recours contre le professionnel du droit en indemnisation sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.
Pour condamner le notaire à indemniser les enfants du premier lit du préjudice résultant des conséquences financières du recel successoral établi à leur encontre, l’arrêt retient que celui-ci a commis une faute en omettant de vérifier l’acte de naissance de Gabriel, qui aurait révélé la seconde union de ce dernier et l’existence éventuelle d’enfants issus de ce mariage, et que cette faute leur a causé un préjudice incontestable au regard des condamnations prononcées, lequel doit être réparé à concurrence de la moitié, en raison de la faute de ces derniers qui se sont abstenus de déclarer trois petitsenfants, héritiers de Gérard.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en ces termes :
« Qu’en statuant ainsi, alors que la sanction du recel successoral, qui suppose l’intention frauduleuse de rompre l’égalité du partage, ne constitue pas, pour celui qui le commet, un préjudice ouvrant droit à réparation, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
La Cour suprême donne toute sa portée à l’article 778 du Code civil, selon lequel :
« Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier ».
Elle sanctionne sur le fondement du recel successoral sans possibilité d’échapper à la sanction en invoquant la faute du notaire qui aurait omis de vérifier la descendance du défunt et qui aurait pu donner lieu à l’allocation de dommages et intérêts délictuels.
La Cour de cassation refuse que l’on puisse échapper ainsi à telle sanction.
On relèvera aussi que cet arrêt présente l’intérêt de protéger efficacement le notaire dans des circonstances particulières où les héritiers ont profité de la carence de ce professionnel pour violer le principe de l’équité du partage.
Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude !
Ronit ANTEBI Avocat en droit des successions à Cannes
22.05.2017