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L’héritier, aidant familial

Par Maître ANTEBI – Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

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Lorsque la succession est ouverte, les héritiers peuvent avoir à rendre des comptes à leurs cohéritiers.

L’un d’eux pourrait avoir le sentiment d’avoir consacré son temps et son énergie à s’être s’occupé de leur père ou mère quelques années avant le décès.

Il peut estimer lui avoir procuré une économie, en lui évitant d’engager des frais d’aide-ménagère, d’aide à domicile, d’infirmière à domicile, voire d’hébergement en maison de retraite médicalisée.

Or, au décès du bénéficiaire, il peut constater qu’aucune contrepartie ne lui a été allouée ni par le parent bénéficiaire de cette aide et assistance ni par l’indivision successorale.

Il pourrait se demander si ce temps consacré n’est pas de l’argent et que dans ces conditions, il serait en droit de réclamer à la succession une indemnité compensatrice de l’avantage octroyé.

D’où la question de savoir si un héritier ayant consacré son temps et son énergie à s’occuper de sa mère ou de son père en fin de vie, au détriment de ses loisirs ou de ses propres revenus, n’aurait pas fait profiter l’indivision de cet enrichissement ainsi procuré et n’aurait pas la possibilité de demander une indemnité compensatrice à l’indivision successorale.

Un cas typique s’est présenté à la Cour de cassation en 2001.

Après le décès de Marie veuve Y…, en 1990, son fils, M. Roger Y…, a assigné sa soeur, Mme Eliane Y…, épouse Souillat, pour voir dire qu’il était créancier de l’indivision successorale d’une somme de 100 000 francs, au titre de l’aide et de l’assistance qu’il avait apportées à leur mère durant les dernières années de la vie de celle-ci .

La Cour d’appel de RIOM avait rejeté sa demande, par arrêt du 8 septembre 1998, au motif que l’aide et l’assistance fournies à leur mère n’excédaient pas les facultés contributives du demandeur.

L’héritier, aidant familialEn outre, il ne démontrait pas que ces efforts auraient entrainé pour lui des conséquences graves sur ses activités habituelles, ses ressources et sa situation de fortune.

Le demandeur a critiqué l’arrêt d’appel au motif que l’ancien article 1371 définissait les quasi-contrats ainsi :

« Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ».

Or, ce texte ne dit pas que l’aide et l’assistance procurées à la personne doivent excéder les facultés contributives.

La Cour d’appel ajoute donc à la loi.

De plus, le demandeur soutient que la notion d’enrichissement sans cause ne suppose pas de démontrer que l’appauvrissement du créancier se limite aux dépenses déboursées ni que l’enrichissement de la débitrice correspondrait uniquement aux sommes que celle-ci aurait thésaurisées.

La Cour de cassation a donc opéré un contrôle sur la motivation de l’arrêt d’appel.

Elle rappelle que l’enfant a un devoir moral envers ses parents (article 205 du Code civil : « Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin »).

Mais elle dit que ce devoir n’exclut pas de recevoir une indemnité pour l’aide et l’assistance apportées dans la mesure où elles auraient excédé les exigences de la piété filiale en réalisant à la fois un appauvrissement de l’enfant et un enrichissement corrélatif du parent.

La Cour d’appel a donc souverainement apprécié que cette aide et assistance n’avaient pas en l’espèce, excédé les exigences normales de l’obligation alimentaire entre enfant et parents dépendants.

Ensuite, pour estimer que M. Y… ne justifiait d’aucun appauvrissement, la Cour d’appel a relevé l’aide apportée à tous égards et n’a pas pris en compte les seules dépenses effectuées par celui-ci.

Elle a, par des motifs non critiqués, constaté que cette aide ne constituait que la contrepartie de l’avantage substantiel dont M. Y… avait bénéficié, en vivant avec son épouse dans la maison familiale sans payer de loyer et en s’étant ensuite vu attribuer par sa mère la quotité disponible de ses biens.

L’arrêt d’appel n’encourt donc pas la cassation.

Il résulte donc de cet arrêt de la Cour de cassation du 23 janvier 2001 (pourvoi n° 98-22.937) que l’héritier qui apporte les preuves qu’il a procuré un enrichissement sans cause à la défunte et donc à l’indivision successorale ayant entraîné un appauvrissement corrélatif de sa situation, pourrait être enclin à réclamer une créance indemnitaire à l’indivision sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

Il serait donc très important de se munir d’attestation de témoins (commerçants voisins, d’aide-ménagère etc…), de copie d’extraits du dossier médical attestant que le créancier était le référent médical, de certificats d’infirmière, de médecin, de justificatifs sur la tenue des comptes, sur l’aide aux courses, sur les promenades, la compagnie, la tenue d’un agenda recensant les activités déployées etc…

Les tribunaux ont parfois tendance à écarter telle demande indemnitaire faute de preuves suffisamment conséquentes sur l’activité et l’implication du demandeur, et faute pour lui d’avoir requis et obtenu le statut d’aidant familial auprès du Conseil départemental. Ce statut permet à la personne dépendante de salarier son enfant aidant, de son vivant.

Ronit ANTEBI Avocate

Publié le 7 mars 2022

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NOTE : Les articles élaborés par Me Ronit ANTEBI s'appuyant sur la jurisprudence et les textes en vigueur sont à jour à la date de leur rédaction. Ils ne s'auto-actualisent pas. Afin de tenir compte des évolutions législatives et jurisprudentielles, l'internaute est invité à toujours rechercher l'actualisation par tous moyens. Il n'est pas dispensé de solliciter une consultation juridique auprès d'un professionnel du droit.

Commentaires (3)

Quel est le point de départ de la prescription pour la créance de l’aidant. Par exemple, pour un enfant qui aide son parent pendant 7 ans avant son décès.

Bonjour,
Etant aidant familial de ma cousine maintenant décédée, je ne suis pas héritière. Puis-je avoir droit à un indemnité compensatrice que devraient m’octroyer les héritiers.
Je m’en suis occupée pendant de longues années environ 17 ans et suis devenue sa tutrice à la personne en 2019.
Merci pour vos réponses

Bonjour,

Tout ceci fait froid dans le dos, car bien souvent, il suffit qu’un seul descendant fasse toute l’assistance en tant qu’aidant familial d’un proche ou d’un parent. Le plus difficile à gérer étant certaines démences, car l’appauvrissement de l’aidant, si aucune aide n’est apportée sur la démence, rend toutes interventions impossibles. Cela est principalement dû au refus médical du parent, se mettant sans GIR, sans curatelle et sans possibilité de présenter à un médecin. Le seul cas d’intervention étant le 911 sur les cas vitaux. Seul point d’intervention, la loi interdit de soumettre aux médecins une personne se refusant à tous soins, même si cette dernière a une conscience quelque peu altérée et se mettant en état confusionnel.

Pour ma part, je pense rejoindre le groupe de ce monsieur, vivant avec ma maman depuis l’âge de 13 ans, suite à la séparation de mes parents. Ma maman m’a maintenu à son domicile, ayant été son aidant familial agricole, non salarié, puis la suivant sans revenus dans une de ses maisons. Là, ayant fait les Beaux-Arts, j’ai opté pour rester avec elle et maintenir le lien social et familial entre tous, soit le papa d’un côté, le frère de l’autre, et nous, maman et moi.

Actuellement, mon activité professionnelle a été partiellement stoppée pour rester un peu plus avec elle. Elle dispose d’un local commercial que j’occupe en lui versant un petit loyer, avec toutes les charges de ce dernier, et je m’occupe de toute l’organisation de la maison, sauf toute la partie où l’administratif relève de son ordre, car il est impossible de la mettre sous curatelle suite à deux agressions de mon frère, entraînant une médiation pénale et me mettant en traitement post-traumatique.

Quels seront donc mes droits? Aurais-je la possibilité de garder le logement, soit la maison où elle vit et où je vis avec elle, ou devrais-je partir? Mes effets personnels seront-ils considérés comme ses biens ou pourrais-je les prendre?

Quels sont les droits de l’aidant héritier en ce sens, sur le plan successoral? Selon mon frère, sur discussion de ce dernier, je n’aurais droit à rien en succession, étant à vivre avec ma mère, notre mère, n’ayant pas eu de métier en tant qu’aidant familial agricole non salarié, donc logé, nourri, blanchi par ma mère, laquelle a voulu cette situation, cette dernière n’ayant plus de famille, séparée de son mari et ayant mis à la porte mon frère, lequel se défend donc par la même de devoir lui porter obligation alimentaire, d’où dispute. Car, si même le cas, ce dernier doit assistance à sa sœur.

Le flou est total, et l’incertitude aussi, avec la douleur du lendemain futur, même si le plus tard possible. La vie n’est donc pas juste, même avec la justice! Selon lu sur les aidants familiaux aidant leurs parents au détriment des autres frères et sœurs, se retrouvant en précarité avec soucis de santé sur plusieurs années de maintien à domicile. Ceci étant dans l’ordre de la maltraitance envers les aidants familiaux en termes de droits successoraux.

Merci pour vos informations, avec toutes mes salutations et respects.

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