[button size=’medium’ style=’color’ link=’http://www.avocat-antebi.fr/wp-content/uploads/2016/08/Jugement-TGI-Nice.pdf’ linktarget=’_blank’ icon=’icon-star-1′]Découvrez la lettre complète du jugement du TGI de Nice[/button]
Une tante est décédée après avoir administré son patrimoine sous forme d’assurances-vie
Elle laissait deux héritiers, un neveu et une nièce.
Au décès de la souscriptrice, le neveu se rend à l’évidence que l’un des deux contrats d’assurance-vie profite exclusivement à sa sœur, sans qu’il ait été informé de cette volonté du vivant de sa tante.
ll s’en était pourtant occupée aux côté de sa sœur, afin d’éviter un placement en maison de retraite par suite d’une perte d’autonomie.
Il se rappelle même avoir vu dans les papiers de sa tante une clause de bénéficiaire qui ne ressemblait pas du tout à celle que la compagnie d’assurance-vie comptait appliquer au profit exclusif de la nièce.
La tante avait subi la maladie d’Alzheimer dans l’intervalle et le neveu n’avait pas manqué d’en avertir l’assurance-vie qui répondait n’être à même de ne tirer aucune conséquence de ce constat.
Par le biais de l’assurance-vie, le neveu a été exhérédé d’une partie non négligeable de la succession de sa tante.
Il ne peut faire valoir ses droits légitimes car sa sœur se serait emparée de l’ensemble des papiers de leur tante, lorsque peu avant son décès, elle a décidé unilatéralement de l’accueillir à son domicile personnel, afin de mieux exercer une emprise sur cette dernière et afin de la couper de toute relation sociale et surtout de celles qu’elle entretenait habituellement avec son neveu.
Celui-ci avait donc exprimé le souhait de faire valoir ses intérêts les plus légitimes en suite du décès de sa tante, à commencer par demander à la compagnie d’assurance la communication du contrat d’assurance-vie, des clauses de bénéficiaires et de changement de bénéficiaires, le récapitulatif des primes versées, le montant du capital délivré et l’identité du bénéficiaire…
Le juge des référés a estimé que la demande du neveu était fondée en droit car elle reposait sur un motif légitime, à savoir faire valoir ses droits en justice s’il y avait lieu de réclamer un capital ou contester la validité d’une clause de changement de bénéficiaire le cas échéant.
La compagnie d’assurance-vie avait rétorqué que l’assurance-vie est hors succession et s’était appuyée sur un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 28 septembre 1999 n° 98-89.762 (Bulletin criminel n °201) qui aurait rappelé que « si la désignation nominative du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie ne présente pas un caractère secret au sens des articles 378 ancien et 226-13 du nouveau code pénal, la révélation de cette information par l’assureur peut être constitutive d’une faute civile » ; « en effet, il est de jurisprudence constante que dans le cadre de la communication des informations aux héritiers réservataires, l’assureur est tenu à un devoir de prudence et de réserve ; qu’il est en droit de refuser de communiquer l’identité des bénéficiaires du contrat et les caractéristiques de ce dernier sur la demande directe des héritiers réservataires ».
Même si en principe l’assurance-vie est hors succession, l’on sait déjà que la jurisprudence n’hésite pas à ordonner le rapport successoral des primes manifestement exagérées au regard des facultés contributives et des ressources du souscripteur (civ 2ème, 28 juin 2012, n°11-14.662, chambre mixte 23 novembre 2004, n°02-17.507, civ 1ère 1er juillet 1997, n°95-15.674).
L’on sait aussi que le Fisc n’hésite pas, quant à lui, à requalifier les assurances-vie en donations indirectes lorsqu’elles ont été consenties peu avant le décès de son auteur qui se savait condamné, et comme telles révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller irrévocablement à son profit en croyant pouvoir échapper aux droits de mutation (chambre mixte 21 décembre 2007, n°06-12.769).
En outre, allant toujours dans le sens d’une meilleure information et transparence, la jurisprudence n’hésite pas annuler les assurances vie et les clauses de bénéficiaires sur le fondement de l’article 901 du Code civil, assimilant l’assurance vie et ses avenants subséquents à une « libéralité » et en interprétant largement la notion d’« insanité d’esprit ».
S’agissant du secret qu’elle semble invoquer systématiquement, la compagnie d’assurance-vie n’est donc pas obligée de retenir les informations contractuelles demandées car elle n’est, en réalité, assujettie à aucun secret professionnel qui serait scrupuleusement édicté par le code pénal.
L’article 226-13 du code pénal met à la charge de certaines professions réglementées une obligation de secret mais cette obligation est libellée en termes très génériques et s’applique aux professions assermentées telles que médecins, avocats, policiers (« la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie …. ») et ne vise pas en particulier l’assureur ayant fait souscrire une assurance-vie.
L’argument systématiquement invoqué par les compagnies d’assurance-vie n’est pas péremptoire et dès lors que le demandeur fait état d’un motif légitime à valoir en justice, le juge saisi pourrait très bien le faire voler en éclat. Il n’y a qu’un pas pour que les compagnies d’assurance-vie puissent engager leur responsabilité délictuelle pour faute en cas de réticence à communiquer les éléments contractuels demandés, empêchant ainsi un ayant droit à faire valoir ses droits en justice.
Il est donc opportun de demander conseil à un avocat en cas de réticence ou de non communication de pièces contractuelles.
Ronit ANTEBI Avocat droit des successions