Mon cabinet est confronté à diverses situations familiales.
Présence d’héritiers réservataires
L’une d’elles a pu s’inscrire dans le cadre d’une relation adultérine entre le donateur et la donataire (bénéficiaire des dons) qui n’était pas la conjointe du premier.
Un enfant est né de sa relation légitime.
Un autre enfant est né de sa relation adultérine.
L’auteur des héritiers, père des enfants, prend de l’âge et est quotidiennement aidé par son ancienne maîtresse avec laquelle il a eu ce second enfant.
Toutefois, pour la remercier, il lui donne de l’argent par chèques ou par virement sur son compte bancaire.
Voyant que son père s’affaiblit et perd progressivement ses facultés cognitives, la future héritière née du premier lit a pu craindre une situation de dilapidation d’héritage, de recel successoral qui serait le fait de la compagne non mariée.
Que dit la loi ?
Donations et Dons manuels possibles
La loi dit que toute personne capable juridiquement est en droit de réaliser des donations et dons manuels au profit de qui bon lui semble, à condition toutefois, en présence d’enfants (héritiers réservataires) que la donation ou les dons manuels n’empiètent pas sur la réserve héréditaire desdits enfants.
Ces dons manuels ne doivent pas dépasser la quotité disponible.
Dans le présent cas d’espèce, si la succession au jour du décès du père des enfants représente un actif net de 100.000 euros, alors la quotité disponible est d’un tiers (en présence de deux enfants), chacun d’eux ayant une réserve d’un tiers.
Par conséquent, la totalité des dons manuels ne pourra excéder le tiers de la succession soit 33.000 euros.
Prescription du contrôle de l’Administration fiscale en matière de déclaration de dons manuels
Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 15 mars 2017, la prescription est acquise au profit du bénéficiaire des dons manuels non déclarés depuis plus de six années, sans relance de l’Administration fiscale. Ch. Commerciale, pourvoi n° 15-29388 Légifrance.
Action en réduction possible
Si la totalité des dons manuels effectués sur 15 années excède la quotité disponible de 33.000 euros, alors l’héritier diligent pourra intenter une action en réduction.
En vertu de l’article 924 du Code civil,
« lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent ».
L’indemnité de réduction est normalement payable au moment du partage.
Partage amiable ou saisine du Tribunal
S’il n’y a pas d’accord entre les parties, la voie judiciaire est envisageable et le Tribunal saisi peut condamner au paiement d’une indemnité de réduction le bénéficiaire des dons excédentaires.
Si les dons manuels consentis n’excèdent pas la quotité disponible, alors le bénéficiaire des dons n’a rien à restituer aux héritiers même si ces derniers s’estimaient lésés.
Sa seule obligation sera de régulariser sa situation sur le plan fiscal.
Ronit ANTEBI Avocat à Cannes
Publié le 28 mai 2018