Dans un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 17 février 2021 (pourvoi n° 19.19.110, Légirance), la société civile immobilière du Louvre a souscrit un contrat d’assurance habitation pour une maison d’habitation occupée par monsieur L… son gérant, auprès de la société Hiscox, assureur.
Ce contrat couvrait notamment le risque de vol à hauteur de 400 000€ pour le contenu de la maison, avec une limite de 60 000€ par sinistre pour les objets précieux.
Un vol avec violence a été commis au domicile du gérant, le 7 mai 2015.
Le sinistre a été déclaré à l’assureur dont l’expert évaluait le préjudice au titre des objets précieux à la somme de 214 461€.
La compagnie d’assurance a alloué une indemnisation à hauteur de 60 000€.
Les assurés ont assigné, le 5 août 2016, le courtier en assurance afin d’obtenir sa condamnation à leur payer la somme de 154 461,60 euros correspondant à la différence entre le montant du préjudice évalué et la somme de 60 000€ allouée, en invoquant un manquement à son devoir de conseil et d’information.
La Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt le 2 avril 2019 aux termes duquel elle a fait grief à l’assuré de n’avoir pas informé son courtier de ses achats de bijoux postérieurement à la souscription du contrat d’assurance et considérant que, dans ces circonstances, il ne pouvait pas être reproché à l’agent d’assurance de ne pas avoir renouvelé annuellement sa demande d’évolution du risque de l’assuré.
Un courrier avait été adressé au gérant de la SCI par l’assureur le 20 octobre 2010 à l’occasion du renouvellement de la police d’assurance que la SCI du Louvre avait souscrite par l’intermédiaire du courtier.
Ce courrier avait invité l’assuré à prendre contact avec son courtier d’assurance si les montants assurés ne reflétaient pas la réalité du risque encouru.
Les assurés soutenaient que le devoir de conseil qui pèse sur le courtier d’assurance lui impose de se renseigner sur les besoins de son client afin de mieux le renseigner sur l’adéquation de l’assurance souscrite à ses risques.
Ils reprochaient au courtier de ne pas s’être enquis de l’évolution des valeurs assurées depuis la conclusion de la police d’assurance.
Ils affirmaient qu’il était de sa responsabilité de revoir leurs garanties périodiquement. En l’occurrence, le courtier s’était abstenu de vérifier régulièrement auprès de l’assuré si la valeur des biens à couvrir, n’engendrerait pas une mise à niveau des garanties souscrites.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en considérant que la Cour d’appel avait correctement statué en énonçant à bon droit que le courtier n’est pas tenu de s’informer périodiquement sur l’évolution du risque.
C’est à bon droit que l’arrêt d’appel a pu retenir que l’assureur a écrit le 20 octobre 2010 au gérant de la SCI pour l’inviter, si les montants assurés ne reflétaient pas la réalité de son risque, à prendre contact avec son intermédiaire d’assurance en vue de régularisation du contrat.
En l’espèce, le gérant de la SCI ne rapportait pas la preuve qu’il avait informé le courtier en assurances des achats de bijoux de valeurs qu’il avait effectués après la conclusion du contrat.
Ainsi, il ne l’avait pas mis à même de percevoir dans quelle mesure l’aggravation du risque rendait nécessaire une modification des montants assurés au titre des objets précieux et ainsi de le conseiller utilement.
Dans ces conditions, la Cour d’appel n’a pas inversé la charge de la preuve et a pu en déduire que le courtier en assurance n’avait pas manqué à son obligation de conseil (article 1315 devenu 1353 du Code civil, article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016).
Cette jurisprudence exige que l’assuré, créancier d’un devoir de conseil et d’information adéquat tout au long de la durée de vie du contrat, ait pu porter à la connaissance de l’assureur les évolutions dans sa situation personnelle, et notamment l’augmentation de la valeur patrimoniale assurée, car si l’assuré ne déclare pas les circonstances nouvelles par suite de son acquisition en l’occurrence de nouvelles valeurs, il n’appartient pas à l’assureur de conseiller l’assuré sur ce qu’il n’a pas été en mesure de connaître ni de présumer. C’est donc à l’assuré qu’il revient de signaler à son assureur tout changement de situation et non pas à l’assureur de s’informer périodiquement de l’évolution de la valeur des biens de l’assuré. Eu égard au nombre d’adhérents, on peut présupposer que de telles investigations seraient quasiment et matériellement impossibles à réaliser tous les ans, pour les assureurs.
Me Ronit ANTEBI Avocate en droit des assurances au barreau de Grasse