C’est par un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 10 janvier 2018 (pourvoi n° 16-27.894, Légifrance) que la Cour suprême a dit pour droit que l’assignation en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage d’une succession interrompt la prescription de l’action en réduction.
Auparavant, dans un arrêt rendu par la même chambre de la Cour de cassation, en date du 10 mai 2006 (pourvoi n° 03-19.097, Légifrance et Bulletin), il est rappelé que la demande en délivrance de legs n’étant soumise à aucune condition de forme, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel, interprétant les lettres adressées par le notaire de Monsieur de Z … au notaire commis, a considéré que ces correspondances valaient demande de délivrance, laquelle n’était pas éteinte par la prescription trentenaire de l’époque.
Dans l’arrêt rendu par la première chambre de la Cour de cassation en date du 10 mai 1987 (pourvois numéros 85- 15. 392 et 85 16. 155, publié au bulletin), Marie est décédée le 9 juin 1977, laissant pour lui succéder son second mari commun en biens, ainsi que ses trois enfants issus de son premier mariage, Francis, Paulette et Camille. La conjointe vivante, bénéficiaire d’une donation entre époux portant sur la plus large quotité disponible permise par la loi, a opté pour le quart en pleine propriété et les 3/4 en usufruit et cette déclaration d’option a été acceptée par les enfants. La succession est composée de deux immeubles d’habitation. Pour parvenir au partage en nature, l’arrêt de la cour d’appel a ordonné une mesure d’instruction pour procéder à la division verticale de l’immeuble, établir l’état descriptif de division et proposer un règlement copropriété. Cependant Francis a reproché à l’arrêt d’appel de l’avoir condamné à rapporter à la masse successorale les fruits qu’il aurait perçus.
Il avance le moyen selon lequel la déclaration d’option du conjoint survivant, même acceptée par les cohéritiers réservataires, ne peut être assimilée à la demande en justice tendant à la délivrance du legs à titre universel de la quotité disponible.
La Cour de cassation juge d’une part, que la conjointe survivante est un légataire universel car en l’espèce, elle a vocation à recueillir les fruits et revenus de la totalité des biens composant la succession en application de l’article 1005 du code civil ; Elle juge d’autre part, que la demande en délivrance de legs n’étant soumise à aucune forme particulière, c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé que la déclaration d’option, souscrite dans l’année du décès et acceptée par les héritiers réservataires, s’analyse en une demande en délivrance de legs et en produit tous les effets.
C’est un arrêt de la cour d’appel de Dijon en date du 2 février 2023 (RG numéro 21/ 00899, Légifrance) qui réaffirme l’idée que la demande en délivrance de legs n’a pas de forme sacramentelle et que par conséquent, elle peut consister en un fait juridique qui est susceptible d’interrompre la prescription.
En 2006, Madame J avait, par testament olographe, institué pour légataire universelle Madame H et modifié la clause bénéficiaire d’une assurance-vie à son profit. Le petit-fils de la testatrice a contesté la validité du testament ainsi que celle de la clause de changement de bénéficiaire au motif que Madame H était légataire universelle et qu’elle aurait dû lui demander la délivrance du legs dans le délai de 5 ans à compter du décès, en application des articles 1004 et 2224 du code civil.
Madame H démontre qu’elle avait bien demandé à l’héritier réservataire la délivrance de son legs par une procuration établie en français et en allemand, signée par le petit-fils de la défunte en 2010 aux fins d’intervenir à l’acte de notoriété, visant expressément le testament l’instituant légataire universelle et dont elle déduit que le petit-fils en signant cette procuration, a accepté, de façon libre et éclairée, sa qualité de légataire universelle.
La Cour d’appel a confirmé le jugement en ses dispositions tendant notamment à annuler le testament et la clause de changement de bénéficiaire, sauf en ce qu’il a dit que faute d’avoir obtenu ou sollicité la délivrance de son legs dans les 5 ans du décès, Mme H ne peut plus se prévaloir de son legs.
Il ressort de cette jurisprudence une tendance générale des Tribunaux à interpréter les faits de telle manière que la prescription est appréhendée de manière élargie afin de permettre aux héritiers de faire valoir leurs droits malgré les courts délais impartis par la loi.
Me Ronit ANTEBI Avocat au barreau de Grasse