La société contemporaine marqué par la crise économique a vu se développer des phénomènes d’appropriation patrimoniale envers les personnes âgées vulnérables dont le placement sous un régime de protection des majeurs incapables intervient parfois trop tard, lorsque les dommages sont devenus irréversibles.
La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 a modifié le dispositif existant en créant une nouvelle incapacité de recevoir des dons et legs aux auxiliaires de vie employés au domicile des personnes âgées.
On rappelle que le grand âge n’empêche nullement de consentir une donation, d’établir un legs testamentaire. Une personne libre peut disposer de ses biens par libéralité.
Il y a cependant deux limites :
Une personne âgée peut avoir été placée sous un régime de curatelle ou de tutelle, ce qui diminue ses prérogatives
Une personne âgée, sans être placée sous un régime de protection, peut néanmoins subir une baisse de ses facultés mentales au point que cela en altère son discernement et sa capacité de comprendre les engagements qu’elle prend. Dans une telle circonstance, les héritiers peuvent contester après le décès, l’acte consenti sur le fondement de l’insanité d’esprit (article 901 du Code civil).
Depuis 1804, la loi avait déjà mis en place une incapacité de recevoir dons et legs du médecin traitant, pharmacien, officier de santé et ministre du culte tels qu’émanant du patient en fin de vie (article 909 du Code civil).
A partir du XXème, la liste des personnes inaptes à recevoir des libéralités s’est enrichie par suite de l’évolution démographique et des nouvelles conditions d’hébergement. Ainsi depuis 2007, les mandataires de justice comme les curateurs ou tuteurs sont entrés dans le champ de cette incapacité.
La loi de 2015 intègre les auxiliaires de vie, les aides à domiciles, salariés ou bénévoles.
Il en résulte que la liberté de disposer des personnes âgées c’est-à-dire que leur capacité juridique en « prend un coup ».
Il faut noter qu’il existait déjà, depuis une loi n°2007-308 du 5 mars 2007, un article 464 du Code civil qui frappe d’une certaine présomption de nullité renforcée les actes juridiques établis par une personne vulnérable dans les deux années précédant le jugement de placement sous curatelle ou tutelle.
Les articles 901 et 464 du Code civil en droit civil et l’infraction d’abus de faiblesse au pénal permettent d’exercer un contrôle judiciaire a postériori sans enlever la capacité du disposant âgé.
Les incapacités juridiques permettent de prévenir le fléau mais sont attentatoires à la liberté de contracter des personnes âgées ou vulnérables.
En pratique, la loi de décembre 2015 sur l’incapacité de recevoir ne peut produire l’effet escompté que dans la mesure où les banques et les assurances-vie jouent le jeu c’est-à-dire notamment si elles suspendent la délivrance d’un capital aux bénéficiaires contestés et ce, aussitôt qu’il est justifié que ceux-ci ont exercé en qualité d’aide à domicile.
Or, le monde de la vie réelle montre qu’il n’en est pas tout à fait ainsi et que les assurances-vie se précipitent à vouloir délivrer les capitaux aux bénéficiaires contractuellement désignés sans avoir pris la précaution de demander les justificatifs de leur condition sociale à l’égard du souscripteur âgé ou vulnérable et faisant systématiquement état d’une autre règle légale leur imposant un délai de trente jours pour la délivrance à peine de pénalités de retard.
Il y a alors deux textes qui se contredisent entre eux : l’impossibilité de délivrer le capital à une personne empêchée, l’obligation de délivrer le capital dans les 30 jours.
Le législateur aurait dû mieux réfléchir sur les implications que revêt cette nouvelle incapacité de recevoir et sur son articulation avec les autres textes applicables aux assureurs.
Cette situation conduit les Avocats à devoir mener les contentieux judiciaires en ces matières de captation d’héritages qui restent représentatifs d’un volume judiciaire toujours présent.
Publié le 15 juillet 2020