Tout constructeur est responsable de plein droit des dommages même résultant d’un vice du sol
Tout constructeur est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité ou le rendent impropre à sa destination.
1. Un dommage résultant d’un vice caché à la réception Le dommage doit donc résulter d’un « vice ». Le dommage doit affecter l’ouvrage bâti lui-même, à l’exclusion des avoisinants ou de tiers. Le dommage peut avoir une origine très varié : non-conformité au contrat, non-conformité aux règles d’urbanisme, non-conformité aux normes professionnelles, vice du sol. Le dommage se traduit par une manifestation de désordres à caractère décennal. Les désordres résultent d’un vice caché au jour de la réception. La jurisprudence juge que le caractère caché d’un vice s’apprécie par rapport aux compétences du maître de l’ouvrage qui est un profane. Un vice est réputé caché si le profane ne peut le constater qu’en devant accéder à des parties d’ouvrage normalement inaccessibles.
Exemples de vices jugés apparents :
- Défaut de climatisation
- Fléchissement d’une charpente
- Caractère pentu d’un terrain
- Insuffisance de largeur d’une cage d’escalier
Exemples de vices jugés cachés :
- Défaut d’exécution d’un doublage des murs de façade
- Défectuosité des canalisations ayant causé une inondation
- Faiblesse du plancher ne supportant que 15 kg par mètre carré,
- Verdissement des façades
- Défaut d’étanchéité d’une toiture-terrasse.
Il est des vices dont la cause est connue au jour de la réception mais dont les effets ne se révèleront que plus tard. La jurisprudence considère alors que ce vice est caché car le maître de l’ouvrage en ignorait les conséquences. Il se peut que lors de la réception, des désordres minimes apparents aient été réservés et que ces derniers aient entraîné plus tard un effondrement de l’ouvrage (ex : une piscine altérée à la suite d’un effondrement dans le sol). La jurisprudence a considéré qu’il s’agissait d’un vice caché. Le dommage décennal est retenu lorsqu’il provient d’un vice apparent relaté dans le procès-verbal de réception aussi bien que d’un vice caché. Le non-respect des prescriptions administratives (ex : normes d’une rampe d’escalier) a pu être considéré comme étant un vice caché dès lors qu’il n’était pas connu du maître de l’ouvrage. Il en irait différemment en cas de violations des prescriptions d’urbanisme ou règlementaires trop grossières.
2. Le dommage altérant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination La responsabilité décennale du constructeur est engagée en cas de dommage. Si le vice n’entraîne pas de dommage, il n’y a pas d’indemnisation. Depuis la loi Spinetta du 4 janvier 1978, ce n’est plus le vice qui engage la responsabilité décennale mais le dommage, c’est-à-dire les conséquences de celui-ci. Ainsi le vice peut résulter d’une non-conformité au contrat et les conséquences dommageables peuvent être réputées assez graves pour affecter la solidité ou la destination d’un ouvrage. Le dommage est décennal lorsqu’il compromet la solidité de l’ouvrage ou menace certainement de la compromettre. Le défaut de conformité aux règles anti-sismiques entrainent un risque de perte de l’ouvrage de sorte que le dommage est réputé décennal. A l’inverse, les dommages esthétiques ne sont pas susceptibles d’engager la responsabilité décennale du constructeur. Toutefois, si l’esthétisme procède de l’essence même de l’ouvrage (patrimoine classé), le préjudice peut être considéré comme suffisamment important pour rendre l’immeuble impropre à sa destination. De même, des désordres esthétiques généralisés (cloques, tâches noirâtres) peuvent être considérés comme ayant une nature décennale. – Les vices intermédiaires : Normalement, les désordres purement esthétiques entraînent la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur. Toutefois, certains désordres esthétiques sont suffisamment généralisés et étendus pour affecter l’ouvrage dans sa destination. Survenant dans le délai décennal, ils pourront, qualifiés comme dommages intermédiaires, engager la responsabilité décennale du constructeur. Les dommages qui affectent l’ouvrage dans sa destination sont ceux qui en empêchent l’usage pour lequel il était destiné. Par exemple : un immeuble mal isolé dont la température ambiante est trop sévèrement basse ; infiltrations abondantes ; absence d’étanchéité des toitures ; vice du carrelage susceptible de causer des accidents ; phénomène de condensation provoquant humidité et moisissures dans un appartement ; désordres affectant un revêtement mural en pierres agrafées, présentant un danger pour la sécurité des passants …). Des fissures purement esthétiques qui, bien que généralisées, n’affectent pas l’ouvrage dans sa destination (peuvent être réparées ponctuellement) ne sont pas des dommages de nature décennale.
3. Les dommages résultant d’un vice du sol Les dommages résultant d’un vice du sol ont été visés initialement par le législateur (art. 1792 C.civ). Ils consistent dans un défaut d’adaptation de l’ouvrage au sol d’implantation. En principe le constructeur ou l’architecte est tenu de s’assurer de l’état du sol et de vérifier s’il peut supporter l’édifice. En pratique, le constructeur missionnera un bureau d’études géologiques. S’il ne le fait pas alors que cela était nécessaire, il peut engager sa responsabilité décennale pour défaut d’études préalables des sols. De même, il engagera sa responsabilité décennale s’il ne tient pas compte des préconisations de ce bureau d’études, lequel aurait par exemple, requis un système spécial de fondations du fait de la présence de forte teneur argileuse dans le sol. Au vice du sol, a été assimilée la faiblesse d’une construction ancienne insusceptible de supporter une surélévation. Au vice du sol, a été assimilée la faiblesse d’un mur d’appui mitoyen insusceptible de supporter un appui.
4. Vices évolutifs et aggravation des dommages Les dommages résultant de l’aggravation des vices évolutifs n’engagent la responsabilité des constructeurs que sous certaines conditions. Les désordres initiaux ont été dénoncés dans le délai de la garantie décennale. Les désordres initiaux sont de nature à compromettre la solidité ou affecter la destination de l’ouvrage. Les nouveaux désordres traduisent bien l’aggravation des désordres initiaux et ne consistent pas en des désordres nouveaux sans lien de causalité avec les précédents. Enfin, la réparation des dommages aggravés doit éviter toute aggravation ultérieure. Elle doit être totale et englober les éléments non encore endommagés mais risquant de le devenir dans un futur certain.