L’article L.132-13 du Code des assurances prescrit :
“Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés “.
La règle est donc que l’assurance-vie n’est pas rapportable à la succession, ni réductible en cas d’atteinte à la réserve héréditaire.
Par ce biais, le souscripteur d’assurance vie peut organiser son insolvabilité au détriment des héritiers.
Il est des cas où l’assurance-vie peut même s’avérer être un outil très astucieux de spoliation d’héritage au détriment des réservataires.
Le législateur a donc posé un tempérament au principe de l’absence de rapport successoral.
Tardivement, la Cour de cassation a dégagé les critères de l’appréciation du caractère manifestement exagéré des primes versées par le souscripteur (chambre mixte, 23 novembre 2004, n°02-17.507 et 01-13.592).
La Cour de cassation a longtemps laissé aux Cours d’appel toute latitude pour apprécier ce caractère.
Avant 2004, la jurisprudence se fiait à l’importance de la prime prélevée par rapport au patrimoine du souscripteur(Paris, 27 janvier 2000. Juris Data n°2000-106593 : une prime unique représentant la moitié du patrimoine de l’assuré), ou au caractère excessif du prélèvement par rapport à ses revenus (cass. Civ. 1ère, 18 mars 1997, n° 94-21.396), ou en fonction du but poursuivi c‘est-à-dire l‘utilité de l‘opération (Paris 27 janvier 2000, Juris-Data n° 2000-151181).
Cette situation procurait une certaine insécurité juridique car d’une juridiction à l’autre, les décisions variaient.
La Cour de cassation a donc dégagé des critères d’appréciation que les juges du fond sont tenus d’appliquer, à peine de voir leurs décisions invalidées dans le cadre du contrôle qu’elle exerce aussi bien sur leur application que sur la motivation des arrêts.
Désormais, plusieurs questions devront être posées par les juges du fond :
- Quel est le montant de la prime ou des primes versées ?
- La prime est-elle versée en une seule fois ou en plusieurs fois ?
- Le contrat d’assurance-vie a-t-il été souscrit peu avant le décès de l’assuré ?
- Le souscripteur a-t-il dû vendre un bien immobilier et notamment son logement principal pour alimenter cette assurance-vie ? A-t-il perdu on train de vie d’avant la souscription ou le versement ?
- Le montant de la prime ou des primes versées a-t-il provoqué un appauvrissement du souscripteur ?
- A-t-il voulu intentionnellement favoriser un bénéficiaire en portant atteinte à la réserve héréditaire ?
Ces questions doivent se poser au jour du versement de la prime au regard de l’âge du souscripteur et de sa situation patrimoniale et familiale.
C’est dire que le simple constat de l’importance des primes versées au regard de l’actif successoral et du dépassement de la quotité disponible ne suffit plus à établir le caractère manifestement exagéré.
Mais, certaines situations sont de nature à éveiller les soupçons des juges. Ainsi, le versement unique d’une prime peut être considéré comme une fraude tandis que le versement mensuel de celle-ci suscitera plus de circonspection de leur part.
Ainsi, lorsqu’une prime unique représente la moitié du prix de vente d’un immeuble représentant une part importante du patrimoine du souscripteur âgé, le risque de requalification en prime manifestement exagérée est largement encouru.
Concrètement, les juges du fond devront s’intéresser à la comptabilité personnelle du souscripteur, année après année, si les versements de prime ont varié. Il examinera la contenance des revenus, des actifs, du patrimoine du souscripteur au moment de chaque versement. Il totalisera le montant des primes versées sur chaque année.
Il sera attentif au changement de train de vie du souscripteur car si son compte courant est moins créditeur qu’avant la souscription du contrat d’assurance-vie, l’on peut légitimement penser que cela est dû à ce qui s’apparente à une donation indirecte au profit du bénéficiaire. Or une donation est en principe rapportable.
On constate que les juridictions étaient hésitantes à un faire un usage courant de la jurisprudence de la Cour de cassation pour ordonner le rapport successoral des primes manifestement exagérées. Elles déboutaient souvent le demandeurs au rapport successoral.
Mais ces dernières années, on voit apparaître des décisions de justice qui y font droit à condition toutefois que l’avocat ait bien pris soin de faire apparaître un appauvrissement du souscripteur avec les éléments comptables et familiaux dont il dispose.
D’où la nécessité de se procurer les relevés bancaires du défunt, les justificatifs de l’actif et du passif de celui-ci au jour du versement de la ou des primes.
En pratique, le notaire ne va pas systématiquement entrer dans la considération de savoir si les primes alors versées étaient manifestement exagérées au regard des ressources et du patrimoine du défunt.
Il importe que les héritiers se renseignent sur l’existence d’une assurance-vie au profit d’un tiers afin d’attirer l’attention du notaire sur cette demande de rapport qui pourra être formulée amiablement dans un premier temps puis judiciairement, le cas échéant.
Bonjour,
je me trouve dans la situation de l’héritier délibérément spolié par le biais d’un capital anormalement élevé (80% des actifs) sur contrats d’assurance vie. Mon ascendant m’ayant durant toute sa vie caché ou ignoré.
je cherche des éléments de jurisprudence pour étayer mon argumentation.
je vous remercie.
Bien à vous
Olivier
Bonjour,
J’ai été attentive à votre commentaire. Afin de vous aiguiller au mieux de vos intérêts et afin de personnaliser le conseil que vous souhaiteriez solliciter. Je me permets de vous inviter à bien vouloir contacter mon cabinet à Cannes au 07 61 61 01 02.
Maître ANTEBI