Droit des successions : nullité du testament authentique et insanité d’esprit ou cécité
On peut se poser la question de savoir si on peut faire annuler judiciairement un testament authentique alors qu’il s’agit d’un acte notarié faisant foi jusqu’à inscription de faux et que toutes les mentions y figurant sont présumées exprimer la vérité.
Il y a des causes d’annulation en raison de la forme prévues par le Code civil (article 972 et suivants du Code civil). Par exemple, le testament n’a pas fait l’objet d’une dictée orale. Il n’a pas été établi en présence de deux témoins. Il a été écrit à main guidée …
Mais dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 19 décembre 2018 (Pourvoi, n° 17-22056, Légifrance), on a l’exemple de testaments authentiques en date du 7 janvier 2008 établis par les deux parents décédés en 2010, laissant quatre enfants pour leur succéder.
Ce testament était ainsi rédigé :
« … je lègue les biens qui m’appartiendront à mon décès à mes quatre enfants, chacun pour un quart, à l’exception des meubles meublants et objets mobiliers se trouvant à mon domicile et en tout autre lieu à mon décès que je lègue à mon fils Gérard.
Si durant ma vie, j’ai été amené à aider les uns ou les autres de mes enfants, je souhaite qu’il ne soit pas tenu compte des avantages qu’ils auraient pu recevoir, à mon décès.
Si l’un ou l’autre de mes enfants contesterait cette décision, je déclare le priver de tous droits dans la quotité disponible et réduire sa part à sa réserve héréditaire … ».
En outre, le procès-verbal du testament portait mention qu’il a été écrit en entier par le notaire soussigné au moyen d’une machine à traitement de texte, tel qu’il lui a été dicté par le testateur, ; puis le notaire soussigné l’a lu au testateur, qui a déclaré bien le comprendre et reconnaître qu’il exprime exactement ses volontés, le tout en présence non interrompue de deux témoins … « appelé à signer, le testateur a déclaré ne pouvoir le faire pour cause de cécité, le présent acte a donc été soumis aux seuls signatures de deux témoins instrumentaires et du notaire ».
Trois des enfants ont saisi le Tribunal puis la Cour d’appel aux fins de voir annuler ledit testament authentique de leur mère.
Ce testament posait en outre des problèmes d’interprétation : exprimait-il la volonté de la testatrice de dispenser de rapport successoral ses enfants bénéficiaires de donations entre vifs. Or le quatrième héritier qui ne contestait pas le testament entendait se prévaloir de cette phrase insérée dans le testament pour dire que la donation qu’il avait reçue de ses parents à raison de 330.000 euros lui avait été consentie « hors part successorale ».
Les trois autres héritiers militaient en faveur de la nullité du testament authentique au motif que si la testatrice n’avait pas la santé pour signer l’acte, elle ne pouvait pas l’avoir consenti réellement. N’étant pas apte à exprimer un consentement doué de discernement, le testament devait être entaché de nullité sur le fondement de l’article 901 du Code civil.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi intenté par les trois héritiers.
Elle soutient que les juges d’appel ont exercé leur pouvoir d’interprétation souveraine du testament. En interprétant le testament comme s’il n’exemptait pas l’un des héritiers bénéficiaires de la donation, de l’obligation au rapport successoral (article 843 du Code civil), elle n’a commis aucune dénaturation.
La cour d’appel de renvoi devait évidemment statuer la nullité ou la validité d’un tel testament, que la Cour suprême n’a pas invalidé d’emblée.
La Cour suprême a pu estimer que l’état de cécité ne prive pas la testatrice d’une capacité de discernement, qu’elle avait pu clairement exprimer sa volonté par une dictée orale, que les juges ne disposaient d’aucun dossier médical sur la gravité de la cécité, qu’aucun élément du dossier ne permet de soupçonner que la testatrice entendait refuser de signer le testament, que le testament fait foi jusqu’à inscription de faux.
En conséquence, en exécution de ce testament les trois héritiers ont été privés de leur quotité disponible et voient leur part réduite à la réserve héréditaire.
Au vu de ce qui précède, on peut légitimement penser que la solution aurait été tout autre si les héritiers demandant l’annulation du testament authentique avaient produit un dossier médical attestant d’une altération des facultés mentales de la testatrice au jour de l’établissement de l’acte en l’étude notariée, ce, à plus forte raison que le notaire n’avait manifestement pas pris la précaution de solliciter un certificat médical notamment d’un neurologue. Il n’est donc pas impossible de contester la validité d’un testament authentique sur le fondement de l’article 901 du Code civil et le fait que l’acte fasse foi jusqu’à inscription de faux ne devrait pas faire obstacle à une demande d’annulation sur le fondement de l’insanité mentale, sans qu’il y ait le systématiquement ou préalablement de mettre en mouvement cette procédure lourde et archaïque de l’inscription de faux.
bonsoir peut on faire annuler un testament avec unedécomposition dépressive importante et une profonde dévalorisation narcissique merci pour votre réponse ? CORDIALEMENT
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Maître ANTEBI