La Chambre criminelle de la cour de cassation a proposé une illustration de ce que peut être un abus de faiblesse dans le secteur de l’assurance-vie.
En rendant un arrêt du 10 novembre 2015 (pourvoi n°14-85.936, Légifrance), elle vérifie que les conditions légales pour condamner un individu à une peine d’emprisonnement (avec sursis) et aux intérêts civils doivent être réunies.
L’article 223-15-2 du Code pénal punit l’abus de faiblesse d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
Il suppose une situation de vulnérabilité chez la victime (âge, maladie, infirmité, déficience, grossesse).
Cette faiblesse doit être connue de l’auteur.
Il faut encore prouver un acte ou une abstention imputable à cet auteur gravement préjudiciable à la victime ou de nature à causer un préjudice.
M ANTOINE bénéficie des services d’une dame.
Son état de santé se détériore.
L’aidante a obtenu du vieil homme qu’il modifie en sa faveur la clause de bénéficiaire au titre des deux contrats d’assurance-vie qu’il avait initialement souscrits au profit de ses deux fils.
Le Tribunal l’a condamnée coupable des faits reprochés.
La Chambre criminelle a confirmé le jugement du chef d’abus de faiblesse.
La Cour constate en effet, que M ANTOINE avait curieusement modifié la clause seulement 20 jours avant son décès, alors qu’il était atteint d’un cancer du foie, qu’il suivait des soins palliatifs à domicile et qu’en outre, il subissait une série d’autres pathologies comme le diabète, une cirrhose éthylique, une artériopathie.
En outre, un expert judiciaire a été commis afin de donner son avis sur le dossier médical du souscripteur à la date de la modification de la clause litigieuse. Il conclut à un état dépressif et délirant à cause d’un traitement (neuroleptique) retrouvé à son domicile.
L’expert judiciaire conclut que le recours au neuroleptique est de nature à altérer le discernement d’un sujet.
Il n’était plus en état mental de prendre la moindre décision.
Il présentait un facteur d’altération de sa conscience à la date de la signature de l’avenant.
Les déclarations des témoins ne sont pas de nature à remettre en cause les analyses de l’expert judiciaire.
La Cour a considéré que cette vulnérabilité était connue de la bénéficiaire d’assurance-vie.
Elle a relevé que le préjudice était grave car en signant cet avenant, à la demande et sous l’insistance de cette dame, le souscripteur s’était privé de la faculté de gratifier, comme il le souhaitait intrinsèquement, ses fils.
La Cour s’intéresse au mode opératoire qu’elle qualifie d’ « éloquent » en ce que le changement de clause bénéficiaire est intervenu au domicile du souscripteur, hors la présence de l’assureur ou d’un membre de la famille.
Il ressort des explications de l’assureur que le changement de la clause bénéficiaire peut intervenir très souplement, par simple lettre écrite qui fera l’objet d’une notification par l’assureur de son enregistrement. La Cour estime que cette notification a postériori par l’assureur, de surcroit lorsqu’elle est effectuée après la mort du souscripteur, n’est pas une garantie suffisante de la sécurité juridique à laquelle il était en droit d’attendre.
La dame a été condamnée à restituer à la succession les avoirs saisis correspondant au capital de l’assurance-vie.
Au vu de ce qui précède, il importe de rassembler tous les éléments de preuve permettant d’établir la vulnérabilité de la victime au moment de l’acte litigieux, la connaissance de cette situation par l’auteur de l’infraction, le mode opératoire si des pressions, manœuvres, fraudes, agissements ou abstention ont été commis, le préjudice subi sur la victime.
Il convient de préciser ici que même si la victime directe est décédée, les héritiers peuvent poursuivre au pénal comme au civil en se prévalant de leur qualité d’héritier.
Publié le 13 octobre 2021
Me Ronit ANTEBI Avocate à Cannes