Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation, Chambre criminelle, en date du 11 juillet 2017, il a été jugé que l’infraction d’abus de faiblesse pouvait être retenue indépendamment de la question de savoir si le testateur abusé était ou pas doué de discernement au moment des actes de dépossession massive effectués au mépris de ses intérêts personnels (pourvoi n°17-80.421, Légifrance).
L’article 223-15-2 du Code pénal incrimine l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse, notamment, d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, est apparente ou connue de son auteur, pour la conduire à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ;
M. X… a été traduit devant le Tribunal correctionnel pour avoir abusé de la faiblesse d’une personne âgée de 82 ans pour lui faire signer plusieurs chèques représentant un montant global de 46.500 euros en application de l’article 223-15-2 du code pénal.
Pour le déclarer coupable de ce délit, le tribunal a notamment retenu que la vulnérabilité de la victime était établie par une expertise psychiatrique qui a mis en évidence l’affaiblissement de ses défenses psychiques, lié à son âge et à son caractère impressionnable ;
Curieusement la cour d’appel de Caen a rendu un arrêt en date du 12 décembre 2016 aux termes duquel elle infirme le jugement rendu au motif
« qu’il ne résulte ni de l’expertise psychiatrique, ni du témoignage du fils de la victime, que celle-ci souffrait d’une détérioration mentale au moment des faits ».
Les Juges d’appel ont fait une erreur de jugement.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en ces termes :
« Mais attendu qu’en exigeant la preuve d’une altération des facultés mentales de la victime, la cour d’appel a méconnu l’article susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ».
Il est constant que la loi pénale s’interprète restrictivement. Si le texte répressif définit l’abus de faiblesse sans faire référence à la notion d’altération des capacités de discernement, les juges n’ont pas à ajouter une telle condition supplémentaire pour caractériser l’infraction. S’ils procédaient ainsi, ils ajouteraient à la loi et feraient œuvre de législateur, outrepassant le cadre du pouvoir judiciaire dévolu par la Constitution.
Certes, l’abus de faiblesse suppose que la victime soit vulnérable et la vulnérabilité peut émaner d’un ou plusieurs critères et notamment l’âge avancé ou la maladie mentale ou physique. Mais la maladie mentale ou l’altération du discernement n’est pas une condition essentielle à la caractérisation de l’abus de faiblesse. L’âge avancé de la victime peut suffire amplement à caractériser la vulnérabilité, première condition requise.
Deuxième condition, il convient de prouver l’existence de manœuvres frauduleuses préjudiciables aux intérêts de la victime.
Le fait que de nombreux chèques aient été établis au profit de l’auteur de l’infraction et que les montants ne correspondent pas aux besoins de la victime, procurant ainsi un enrichissement personnel au gratifié, a pu être considéré comment suffisant à caractériser l’élément matériel de l’infraction.
Me Ronit ANTEBI Avocate à Cannes
Publié le 14 mai 2021