Apprendre à faire un testament
Le plus simple est d’écrire ses volontés sur un papier libre, daté et signé.
L’article 970 du Code civil dispose que le testament olographe ne sera point valable s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n’est assujetti à aucune autre forme.
Ce testament olographe pourra être déposé chez le notaire de son choix par l’auteur ou par un héritier après le décès de l’auteur.
Dans un arrêt de la cour de cassation en date du 29 mai 2013 (civ Cass 29 mai 2013 pourvoi n° 12-17870, Légifrance), la Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel a apprécié souverainement les éléments de la cause en relevant que le testament composé de photocopies d’un testament antérieur, de feuillets manuscrits intercalés, n’était pas valable au sens de cette dernière disposition, ce d’autant que l’ensemble du document n’était pas daté ni entièrement rédigé de la main de son auteur ; elle en a justement déduit que cet écrit ne pouvait avoir valeur de testament.
En cet arrêt, l’auteur du testament était décédé le 3 mai 2007 en laissant un testament du 25 avril 2001 instituant une légataire universelle. Il avait été retrouvé au domicile du défunt une enveloppe portant la mention manuscrite « testament de Michel seul valable à ce jour », contenant la photocopie d’un testament du 24 décembre 2002 et des documents manuscrits intercalés, datés de 1995, 1997 et 2001, contenant des legs particuliers.
En l’occurrence, la Cour de cassation a invalidé le testament retrouvé dans cette enveloppe au domicile du défunt dans la mesure où son auteur ne s’était pas employé à rédiger un testament en entier sur une feuille de papier. Il s’appuyait sur le renvoi à des photocopies d’un testament antérieur enregistré par un notaire, et il avait ajouté des passages qui s’intercalaient entre les photocopies faisant référence à des legs postérieurs.
Il est donc déconseillé au vu de la jurisprudence de la Cour de cassation, de joindre au testament que l’on souhaite établir efficacement, des annexes au demeurant non originales.
Il est préférable de faire vérifier la forme et le contenu du testament à établir par un Avocat ou un Notaire afin que les bénéficiaires puissent s’en prévaloir à l’ouverture de la succession, conformément à la volonté de son auteur.
Cette jurisprudence ne veut pas dire que l’auteur d’un testament n’a pas le droit de faire des testaments successifs. L’un peut compléter l’autre ou le préciser. Le testament complémentaire s’appellera codicille et il pourra s’appliquer. Par contre, si deux testaments successifs se contredisent entre eux, alors c’est le dernier qui primera. Pour éviter toute difficulté d’interprétation ou d’application, il est préférable d’établir un testament en un unique exemplaire et de demander conseil à un Avocat.
Des conseils pour l’écriture de son testament
Le testament, s’il est olographe, doit être rédigé en termes clairs
(Le testament authentique est nécessairement bien rédigé puisque sa rédaction est supervisée par le notaire).
S’il est olographe, l’auteur de ce testament ne doit pas commettre d’écueils dans sa forme ni dans son contenu.
Le testateur prendra une feuille ou des feuilles de papier et numérotera chaque page. Il faut se munir d’un stylo à bille de préférence, chargé d’une encre qui ne s’effacera pas. Il déclinera son identité (nom prénom date et lieu de naissance domicile). Il formulera sa volonté en termes expresses et non ambigus. Toute rédaction ambiguë pourrait conduire à une invalidation de l’acte ou à un contentieux en interprétation de son contenu.
Puis il mentionnera de préférence qu’il est doté de ses pleines capacités intellectuelles.
Certains testateurs prennent même la précaution d’exprimer leur mobile c’est-à-dire la raison pour laquelle ils entendent gratifier un enfant plutôt qu’un autre…
Prenons l’exemple d’une Dame, Léontine GENEREUSE, qui décide de tester en faveur de sa cousine. Elle n’a pas d’enfants ni d’autres héritiers réservataires et par conséquent, elle ne risque d’en déshériter aucun. Elle souhaite léguer tout son patrimoine à sa cousine :
« Je soussignée Madame Léontine GENEREUSE née le … à … demeurant … institue légataire universelle ma cousine Bérénice PROFITEUSE née le … à … demeurant …
En conséquence, je lui lègue la totalité de mes biens meubles et immeubles composant ma succession, sans exception ni réserve.
Je déclare en outre révoquer tous les testaments ou dispositions pris antérieurement à ce testament.
Je déclare que je dispose de mes pleines capacités intellectuelles à ce jour et que je teste en connaissance de cause.
Fait à …Le ….
Signature de la testatrice ».
Prenons un autre exemple : la testatrice a un enfant. L’on sait qu’elle ne peut pas le déshériter. Elle ne pourra donc léguer à sa cousine (qui n’est pas héritière réservataire) que la quotité disponible. Elle souhaite cependant être très généreuse envers elle. Elle lui lèguera alors une fraction de son patrimoine, indéterminée, celle qui correspond à ce qu’elle peut léguer à savoir la quotité disponible. En présence d’un enfant, cette quotité disponible correspond à la moitié de la succession. Elle lui consentira un legs à titre universel. Le legs à titre universel permet de transmettre au jour du décès une fraction de ses biens qui ne sont pas déterminés (ils ne sont pas décrits précisément dans le testament, ils correspondent à une portion du patrimoine). Le testament instituant la cousine en qualité de légataire à titre universel pourra être rédigé ainsi :
« Je soussignée Madame Léontine GENEREUSE née le … à … demeurant … institue légataire à titre universel ma cousine Bérénice PROFITEUSE née le … à … demeurant …
En conséquence, je lui lègue la moitié de mes biens meubles et immeubles composant ma succession, sans exception ni réserve.
Je déclare en outre révoquer tous les testaments ou dispositions pris antérieurement à ce testament.
Je déclare que je dispose de mes pleines capacités intellectuelles à ce jour et que je teste en connaissance de cause.
Fait à …Le ….
Signature de la testatrice ».
Prenons un troisième exemple : La testatrice, Mme GENEREUSE, a trois enfants, héritiers réservataires qu’elle ne peut déshériter. Elle souhaite cependant léguer à sa cousine Mme PROFITEUSE deux de ces cinq appartements. Elle lui lèguera deux biens immobiliers qui seront précisément déterminés dans le testament. Elle se sera assurée préalablement – au besoin auprès d’un avocat – que la valeur de ces biens n’excèdent pas la quotité disponible car si tel était le cas, les héritiers réservataires pourraient, au jour du décès, contester le legs en soutenant que la valeur des biens immobiliers légués empiètent sur leurs droits réservataires, dans le cadre d’une action en réduction. Le testament valant legs à titre particulier pourra donc être rédigé comme suit :
« Je soussignée Madame Léontine GENEREUSE née le … à … demeurant … institue légataire à titre particulier ma cousine Bérénice PROFITEUSE née le … à … demeurant …
En conséquence, je lui lègue l’appartement de deux pièces sis 8 rue des Acacias à MOUGINS (06) et l’appartement avec garage sis 3 rue des Hortensias à MANDELIEU (06) composant ma succession, sans exception ni réserve.
Je déclare en outre révoquer tous les testaments ou dispositions pris antérieurement à ce testament.
Je déclare que je dispose de mes pleines capacités intellectuelles à ce jour et que je teste en connaissance de cause.
Fait à …Le ….
Signature de la testatrice ».
La testatrice qui estime en outre que sa cousine doit lui être reconnaissante après sa mort, peut donc assortir ce legs d’une charge, également exprimée par écrit dans le testament : faire des prières à l’Eglise en sa mémoire, ou encore adopter son petit chien et s’en occuper. Si les héritiers réservataires s’aperçoivent que ces obligations ne sont pas remplies, ils peuvent intenter une action devant le Tribunal Judiciaire en révocation dudit legs. Si la légataire est condamnée, elle devra restituer à la succession les deux appartements légués.
Au vu de ce qui précède, la rédaction des testaments olographes suppose qu’un Avocat soit sollicité pour prodiguer tous les conseils utiles lesquels diffèrent d’une situation à l’autre et dépendent de la volonté du testateur qu’il importe de sonder scrupuleusement.
Ronit ANTEBI | Avocat au barreau de Grasse spécialisée dans le droit des successions