cf Légifrance pourvoi 07/00257 Cour d’appel d’Orléans du 19 novembre 2007
Un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Orléans est intéressant en ce qu’il applique l’état de nécessité justifiant que l’on intervienne dans le logement d’autrui pour libérer un animal enfermé.
Cet arrêt confirme le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Montargis du 22 mars 2007.
Une Dame A… a déposé plainte contre ses voisins B… et C… en leur reprochant de s’être introduits dans sa maison de campagne en son absence, au prétexte qu’ils devaient y récupérer leur chat resté à l’intérieur.
Dans la nuit d’octobre 2005, le couple de voisins a contacté un serrurier en lui donnant instruction de remplacer la serrure.
A l’issue de l’intervention du serrurier, ils avaient pris soin de laisser une lettre à la voisine, expliquant la situation.
Dame A… a reproché à ce couple une violation de domicile et une infraction de faux et usage de faux.
Les premiers Juges ont considéré qu’il n’y avait pas de faux en écriture ce d’autant que le couple a produit le contrat d’ouverture de porte du serrurier qui corroborait le contenu de la lettre litigieuse.
Ils ont en revanche retenu la qualification de violation de domicile puisque le couple s’est introduit chez le voisin en pleine connaissance de cause (élément moral) et alors qu’il n’avait pas reçu l’autorisation de Dame A… pour le faire en son absence.
Dame A… a fait appel de ce jugement pour que soit ordonnée la condamnation des prévenus au paiement de la facture de remplacement des serrures de 3500 euros, outre 1 euro pour préjudice moral.
Le couple explique que s’il a pénétré dans la maison de campagne de la voisine, c’est bien pour sauver son chat qui avait pris l’habitude de pénétrer dans cette maison et de sympathiser avec le frère de Dame A. Il redoutait que le chat soit enfermé dans la maison car il avait entendu des miaulements depuis l’intérieur de la maison depuis plusieurs jours ; il a laissé des messages d’urgence au téléphone du frère de Dame A… mais aucune réponse. Son inquiétude grandissant, le couple a décidé d’agir. Il a néanmoins renoncé à appeler les Pompiers par crainte des grosses dégradations que cela aurait engendré. Ils avaient auparavant contacté le commissariat de police mais sans résultat.
La cour d’appel a jugé que la preuve était bien rapportée que le chat était à l’intérieur de la maison car il avait été produit le contrat du serrurier qui avait fait mention
« pour libérer le chat enfermé à l’intérieur depuis quatre jours, après avoir contacté le commissariat de police ».
Les juges du fond ont même admis que les prévenus n’avaient pas agi avec une légèreté blâmable car ils avaient entrepris de nombreuses démarches vaines avant de faire remplacer les serrures.
La Cour d’appel ajoute et ceci est très important : « il est certain que s’ils n’avaient pas secouru leur animal, celui-ci aurait été abandonné à une mort certaine et cruelle ».
Il était donc nécessaire de faire ouvrir la maison de Dame A pour le sauver.
Il faut apprécier l’importance de l’enjeu ; l’attachement des parents et des enfants à l’animal doit être pris en compte.
La Cour d’appel a dit que la méthode utilisée par les prévenus pour récupérer leur chat était proportionnée à la gravité de la menace et les dommages causés ont pu être réparés grâce au remplacement des verrous.
Tel n’aurait pas été le cas si les pompiers avaient été requis pour une intervention en force.
Il ressort de cet arrêt que l’état de nécessité peut être invoqué pour sauver un animal en danger mais il importe que le moyen employé soit proportionné à la menace et que des démarches préalables soient tentées pour ne pas agir à la légère.
Par conséquent la cour d’appel confirme le jugement en ce qu’il a dit que le couple n’était pas responsable de l’infraction qui lui avait été reprochée par la voisine compte tenu de l’état de nécessité.
En cela, cet arrêt est une pleine illustration à l’animal de l’état de nécessité tel que défini par le code pénal dans son article L 122-7, aux termes duquel
« N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ». Etant précisé que le chat est ici assimilé au « bien ».
Ronit ANTEBI Avocat en droit des animaux
Publié le 24.07.2019