L’obligation des héritiers de réitérer la vente immobilière à la survenance de la condition suspensive
Un arrêt de la Cour d’appel de Basse-Terre rendu le 25 juin 2018 (pourvoi n° 17/012911, Légifrance) illustre l’état de la jurisprudence sur l’obligation des héritiers de réitérer l’acte authentique de vente si leur auteur est décédé entre la signature du compromis de vente et la réalisation de la condition suspensive.
La Cour d’appel a infirmé le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 7 septembre 2017 (RG : 17/04434).
Monsieur X et Madame Y ont signé un compromis de vente chez le notaire le 17 septembre 2015. Ils s’engageaient vis-à-vis de Monsieur RENE devenue la SCI … à vendre un terrain au prix de 720.000 euros payable le jour de la signature de l’acte authentique de vente, sous conditions suspensives de l’obtention par les vendeurs d’un crédit bancaire et d’un permis de diviser le terrain en dix lots.
M… X décédait, laissant pour lui succéder son épouse et ses cinq enfants.
Le notaire convoquait les héritiers et la SCI (qui s’était substituée à M RENE) pour signer l’acte authentique le 29 novembre 2016.
Seuls se sont présentés deux des six héritiers vendeurs.
L’acquéreur a attrait devant le président du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre statuant en la forme des référés les héritiers récalcitrants afin de voir désigner un mandataire successoral habilité à procéder à la vente par acte authentique du terrain litigieux pour le compte de l’indivision successorale.
Le Président du Tribunal a rejeté la demande de désignation du mandataire successoral.
L’acquéreur a fait appel total de la décision.
Il expose qu’il existe une mésentente entre les héritiers puisque les intimés ne se sont pas présentés à la signature de l’acte authentique de vente, et que la nomination d’un mandataire successoral est justifiée pour résoudre la situation de crise. Il considère que le juge peut autoriser le mandataire à vendre un bien de la succession.
Les héritiers font valoir que tous les héritiers n’ont pas accepté la succession et qu’il n’est pas établi que le notaire chargé de la vente ait effectivement convoqué tous les héritiers. De plus, tous les héritiers n’ont pas été touchés par la présente assignation.
La désignation du mandataire successoral en cas de mésentente entre les héritiers
Selon l’article 813-1 du code civil, le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l’effet d’administrer provisoirement la succession en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.
Les premiers juges ont estimé que le mandataire successoral ne pouvait pas œuvrer tant que tous les héritiers n’avaient pas accepté la succession.
La Cour d’appel censure cette analyse en considérant que l’article 813-4 du code civil dispose que tant qu’aucun héritier n’a accepté la succession, le mandataire successoral ne peut accomplir que les actes mentionnés à l’article 784.
Il s’infère de ces articles qu’il n’est pas nécessaire que les héritiers, et a fortiori tous les héritiers, aient accepté la succession pour qu’un mandataire successoral puisse être désigné.
La Cour d’appel se contente de constater qu’il est établi qu’une mésentente existe entre les héritiers et estime qu’il ne faut pas ajouter aux textes.
Par ailleurs, la mention de la convocation des héritiers résulte des mentions du procès-verbal de carence, faisant foi jusqu’à inscription de faux en application de l’article 1371 du code civil.
Hormis un héritier qui n’a pas été touché par l’assignation, les autres héritiers régulièrement cités n’ont pas comparu, de sorte qu’ils ont nécessairement été informés de l’existence de la promesse de vente et qu’ils n’ont pas manifesté leur volonté, ce qui constitue à tout le moins une inertie de leur part.
Au regard de ces éléments, la désignation d’un mandataire successoral apparaît justifiée et sera par conséquent ordonnée selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt.
L’autorisation du mandataire successoral de ratifier l’acte authentique de vente
En application du second alinéa de l’article 814 du code civil, dès lors qu’au moins l’un des héritiers a accepté, même tacitement, la succession, ce qui n’est pas discuté en l’espèce, le juge peut autoriser le mandataire à réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession et en déterminer les prix et stipulations.
En l’espèce, la demande de l’appelant porte sur la ratification d’une promesse de vente par acte authentique.
L’article 724 du code civil dispose que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt. Ils sont par conséquent tenus d’exécuter les conventions passées par leur auteur, sous réserve de leur acception de la succession.
En application de l’article 1589 du code civil, la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.
Selon des articles 1179 et 1181 du code civil, dans leur version applicable au litige, l’obligation devient pure et simple à compter de l’accomplissement de la condition suspensive.
Il apparaît ainsi que la succession est tenue de respecter les engagements contractuels pris par leur auteur, l’acquéreur étant en droit d’obtenir la réitération de la vente devant notaire, au besoin au moyen d’une action en justice.
Il est donc dans l’intérêt de la succession que la vente litigieuse puisse être réitérée par acte notarié.
Dès lors, outre les actes d’administration provisoire, le mandataire successoral sera autorisé à passer l’acte de vente litigieux.
La présente décision n’exige pas que tous les héritiers aient accepté la succession et le mandataire successoral pourra être désigné à l’effet de signer l’acte authentique de vente au lieu et place des héritiers.
Ronit ANTEBI | Avocat droit des successions à Cannes
Publié le 21 février 2019
Maître Antebi répond à vos questions en droit des successions
Le cabinet de Maître Ronit ANTEBI Avocat traite de nombreux dossiers en droit des successions dans toute la France et particulièrement dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette discipline du droit s’exerce le plus souvent à l’ouverture de la succession c’est-à-dire au jour du décès.