Réactions sur l’émission Envoyé spécial « fiasco sur ordonnance » (affaire du Lévothyrox)
L’émission « Envoyé spécial » sur le Lévothyrox intitulé « fiasco sur ordonnance » présentée en soirée sur France 2, le 5 octobre 2017, a eu le mérite d’aborder la problématique liée à la nouvelle formulation du médicament Levothyrox.
De nombreux patients ont été interrogés et se sont plaints des effets secondaires liés à la prise de cette nouvelle formulation.
L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament ne semble pas encline à endosser une quelconque responsabilité. Tout au plus, reconnaît-elle à demi-mot que l’information véhiculée aux professionnels de santé par courriel aurait pu être mieux lue.
Lorsque la ministre de la santé actuelle a accepté de répondre à l’invitation de la présentatrice-journaliste, elle a également tenu des propos elliptiques et les intervenantes ont surtout axé leurs discussions sur le défaut d’information.
Or, il est important d’apporter les précisions suivantes.
Quel serait le contenu de l’obligation d’information à laquelle l’ANSM serait tenue ? Quelle serait l’implication de cette information si elle avait été correctement dispensée ? La crise sanitaire du Levothyrox aurait-elle pu être évitée ?
L’Agence du médicament aurait-elle dû informer les professionnels de santé que le Lévothyrox change de formule à compter de telle date et attirer l’attention des médecins traitants sur la nécessité de prescrire à leurs patients un bilan thyroïdien (TSH, T3, T4, THYROGLOBULINE) afin de vérifier que le dosage hormonal toujours difficilement obtenu chez un patient (et conditionnant son bien-être général) a pu être maintenu après la prise du nouveau médicament ?
Ou l’information devait-elle porter sur le fait que la nouvelle formulation du Levothyrox comprend désormais, à la place de lactose, deux excipients tels le Mannitol et l’acide citrique ?
Ou l’information devait-elle se prolonger par l’indication que de tels excipients contenus dans la nouvelle formule sont susceptibles de provoquer de très nombreux effets indésirables ?
Dans la première hypothèse, c’est-à-dire celle de l’information sommaire, le fait d’informer les professionnels de santé d’un changement de formulation du Levothyrox ne saurait exonérer l’ANSM des dommages subis par nombre de patients qui, bien qu’avertis, ne pourraient continuer à subir de tels effets indésirables parfois très douloureux.
Dans la seconde hypothèse, c’est-à-dire celle d’une information plus exhaustive, l’ANSM, qui aurait fait remarquer aux professionnels de santé les risques d’effets secondaires possibles liés à la nouvelle formulation, ne permettrait pas davantage aux patients d’éviter d’avoir à subir de tels effets secondaires.
On voit que même si l’Agence de Sécurité du Médicament avait fait en sorte, d’une manière ou d’une autre, d’informer les professionnels de santé sur le changement de formule ou sur les effets indésirables provoqués par l’emploi des nouveaux excipients, les dommages causés aux patients auraient été quasiment identiques, à savoir être obligés de subir les effets indésirables du nouveau Lévothyrox.
Dans l’hypothèse même où l’Agence de Sécurité du Médicament aurait correctement informé les professionnels de santé sur la nouvelle formulation du Levothyrox, les médecins traitants auraient été certes davantage préparés à mettre en place le remaniement du dosage hormonal de concert avec leurs patients. Toutefois, cette situation ne viserait que les cas dans lesquels les patients seraient susceptibles de subir, par suite de la nouvelle formule, un effondrement du dosage hormonal.
Le vrai problème tient au fait que la nouvelle formulation du Levothyrox n’entraîne pas inéluctablement une modification radicale du niveau de TSH. Il produit surtout de nombreux effets secondaires absolument intolérables et que ces effets secondaires ne sont pas liés à la molécule principale (lévothyroxine) mais à l’usage des deux excipients qui n’existaient pas auparavant dans l’ancienne formule (Mannitol et acide citrique).
Or, l’Agence de Sécurité du Médicament n’a pas semblé avoir indiqué qu’elle aurait dû informer les professionnels de santé sur les effets indésirables liés à l’adjonction de nouveaux excipients tels le Mannitol et l’acide citrique.
Et à supposer même que telle information sur les effets indésirables liés aux excipients, aurait été effectivement dispensée par ses soins, les professionnels de santé auraient été littéralement dans l’incapacité de proposer autre chose à leurs patients que le Levothyrox nouvelle formule du Laboratoire MERCK.
Par conséquent, contrairement à ce qui a été sous-entendu en présence d’une représentante de l’Agence du Médicament et de la Ministre de la Santé dans cette émission de télévision, ce n’est pas le défaut d’information qui expliquerait à lui seul la problématique majeure dans laquelle se trouvent les patients douloureux qui font actuellement usage du Levothyrox.
Le défaut d’information sur le lévothyrox n’expliquerait pas tout
Le défaut d’information n’est qu’un paramètre.
En réalité, la problématique tient au processus de modification du médicament tel que permis par la législation en vigueur, qui n’est pas assez prudentiel. On aurait pu croire qu’après la crise du « Mediator », le système de surveillance du médicament avait été amélioré. Il n’en est rien.
Défaillance du système prudentiel du médicament en France
En effet, en l’espèce, l’Agence du Médicament relève du Ministère de la Santé (Etat) et c’est elle qui a donné l’instruction au laboratoire MERCK de changer la formulation. Le laboratoire n’a fait que suivre ces instructions étatiques mais en percevant une indemnité substantielle qui n’a pas été évoquée dans cette émission (facteur financier également cause de méfiance généralisée).
La problématique tient au fait qu’il n’est pas compréhensible que ce soit l’ANSM qui puisse unilatéralement donner l’instruction à un laboratoire de modifier un médicament qui pourtant fonctionnait bien auprès des patients (après équilibrage du dosage).
On ignore si des patients avaient déposé plainte en raison du lactose. On sait aujourd’hui que beaucoup l’ont fait en raison de l’évitement du lactose au moyen de substances mal connues des consommateurs.
La problématique tient au fait que le laboratoire a remplacé le lactose par du Mannitol et de l’acide citrique. Or, ces substances avaient déjà été employées par d’autres laboratoires qui souhaitaient commercialiser des génériques du Levothyrox et que des patients s’étaient alors plaints des effets secondaires qu’ils généraient. Pourquoi donc le laboratoire MERCK a-t-il renouvelé cette expérience malheureuse ? Il ne peut pas dire qu’il ne savait pas.
La problématique tient au fait qu’au moins l’une des deux substances utilisées ne semble pas particulièrement bien connue par le grand public et a vocation à inquiéter. Si l’on entreprend des recherches sur le net, on s’aperçoit que le Mannitol est administré dans les hôpitaux à des malades graves (insuffisance rénale…) et qu’il entraîne de nombreux effets secondaires répertoriés par les professionnels de santé.
Le laboratoire va peut-être répondre que le Mannitol usité en faible quantité ne provoquerait pas de tels effets secondaires. Or, nous apprenons dans l’émission que les seules études scientifiques qui ont été faites par le laboratoire MERCK avant la commercialisation de la nouvelle formule du Levothyrox, ont porté sur deux cents volontaires en bonne santé. Force est d’admettre que de telles études sont d’emblée faussées car les tests auraient dû être pratiqués sur des personnes atteintes de pathologies thyroïdiennes dont les cancers. Ceci n’a pas été. Et là est la défaillance du système.
On ignore pourquoi l’Agence de sécurité du médicament a validé de telles études parcellaires, incomplètes, irréalistes.
La crise sanitaire actuellement vécue a des enjeux qui excèdent le Levothyrox. En réalité, tous les médicaments sont concernés par cette crise. Si du jour au lendemain, sur un coup de tête, l’Agence de Sécurité du Médicament décide de modifier un médicament, en supprimer la commercialisation, etc… c’est le chao pour les malades qui n’ont aucune sécurité à pouvoir continuer à se soigner.
Cette crise sanitaire prend de l’ampleur à partir du moment où ce n’est que maintenant que l’on se rend compte que les situations de monopole sont le chantre des laboratoires médicinaux et qu’elles laissent le champ libre aux abus les plus criants de position dominante. L’Etat semble littéralement noyé par les lobbies. La santé des Français passent au second plan.
Affaire à suivre …
Ronit ANTEBI
Avocat