L’erreur en droit des contrats
C’est la situation d’une personne qui se représente inexactement la réalité. Elle se conçoit sur l’objet, la valeur de la chose, la personne du cocontractant, les motifs du contrat… La prise en considération systématique de ces erreurs conduirait cependant à devoir annuler tous les contrats. Cela compromettrait la sécurité juridique et la vie des affaires. La doctrine distingue l’erreur obstacle, l’erreur, vice du consentement et l’erreur indifférente. L’erreur obstacle correspond à la situation dans laquelle l’erreur commise est telle qu’elle fait obstacle à tout consentement de sorte qu’il n’y a jamais eu d’échange de volontés. Ainsi en est-il lorsqu’il y a erreur sur la nature du contrat : l’un croyait donner à bail alors que l’autre croyait acquérir. Ainsi en est-il lorsqu’il y a erreur sur l’objet du contrat : l’un entendait céder telle parcelle de terre et l’autre croyait acquérir une parcelle voisine. L’erreur, vice du consentement, est définie par l’article 1110 du Code civil : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ; elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de cette convention ».
Dans la conception romaine, la plus restrictive, l’erreur sur la substance est celle qui porte sur la matière dont la chose est faite, sur sa composition physique ou chimique. Selon Ulpien, si j’achète un objet que je crois être en or, alors qu’il est en airain, le contrat est nul. Cette conception objective offre un critère précis mais elle est trop étroite, laissant de côté des situations inacceptables. Dans une conception subjective, l’erreur sur la substance, c’est celle qui porte sur les qualités substantielles de la chose. La Cour de cassation a opté en faveur de la conception la plus large. « L’erreur doit être considérée comme portant sur la substance lorsqu’elle est de telle nature que sans elle l’une des parties n’aurait pas contracté » (civ. 28 janvier 1913, S. 1913, 1. 487).
La victime doit donc démontrer qu’elle avait cru que la chose présentait des qualités telles que si elle avait su qu’elle ne les présentait pas, elle n’aurait certainement pas contracté. La détermination de la qualité substantielle est une question de fait soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond, ce qui explique que la Cour de cassation rejette très souvent les pourvois. Par exemple, la personne achète des perles de culture qu’elle croyait être des perles fines. Par exemple, erreur sur la constructibilité d’un terrain, sur les parts sociales alors que la société a été dépossédée de son actif… La jurisprudence exige que la qualité substantielle soit entrée dans le champ contractuel c’est-à-dire qu’elle ait été connue des deux parties comme étant essentielle au contrat. Ainsi, distingue-t-elle selon que le tableau de maître a été présenté comme étant « de » tel peintre ou « dans le goût de ».
Alors que la première formule indique que les cocontractants ont eu en vue une oeuvre authentique, la seconde laisse entendre que qu’une copie contentera l’acquéreur. L’erreur sur la rentabilité économique a pu être considérée comme une erreur sur la substance. Un promoteur acquiert un terrain qui s’est avéré inconstructible alors qu’il voulait y réaliser une opération immobilière. Il n’y aucune difficulté à sanctionner une telle erreur. Mais il en va différemment lorsque cette erreur procède d’une appréciation erronée de son adéquation au marché. L’acquéreur a pu surestimer les perspectives que lui offrait le marché en acquérant tel bien. On est alors en présence d’une erreur sur les motifs, indifférente. La jurisprudence a exceptionnellement admis de sanctionner l’erreur sur la rentabilité économique, sous couvert de l’erreur sur la substance, alors que cette erreur procédait d’une mauvaise appréciation du marché. Ainsi, en est-il de l’erreur d’un franchisé dont les résultats d’activité se sont révélés très inférieurs au chiffre prévisionnel fourni par le franchiseur. Pour partie de la doctrine, cette jurisprudence s’expliquerait pas la nature particulière des contrats de franchise. L’erreur sur la personne doit avoir été déterminante du consentement du contractant. Elle concerne, au premier chef, les contrats conclus intuitu personae. Elle peut correspondre à une erreur sur l’identité physique ou l’identité civile (âge, nationalité, situation matrimoniale, filiation, sexe) ou sur les qualités essentielles (honorabilité, expérience, impartialité …). Ainsi la nullité d’un compromis d’arbitrage a été prononcée lorsque la personne choisie n’avait pas les qualités d’indépendance et d’impartialité qu’on est en droit d’attendre d’un arbitre.
L’erreur indifférente est celle qui porte sur une qualité non substantielle de la chose, sur une personne dont la considération n’est pas le motif déterminant de la convention, ou encore sur la valeur d’une chose. L’erreur sur la valeur (sur l’évaluation de la chose) n’est sanctionnée que lorsqu’elle est la conséquence d’une erreur sur les qualités substantielles de la chose. L’erreur sur les motifs n’est pas sanctionnable. Par exemple, un acquéreur achète un véhicule en pensant qu’il lui sera nécessaire à l’occasion de son nouvel emploi. Or, s’il ne décroche pas cet emploi, il ne peut invoquer la nullité pour erreur sur les motifs du contrat. Par exception, il se peut que les motifs du contrat aient été érigés par les parties en condition essentielle. La défaillance de cette condition entraînera alors l’anéantissement dudit contrat. L’erreur doit être excusable. On part de l’idée que tout contractant doit s’informer un minimum. Lorsque l’errans est professionnel du secteur considéré, il est présumé sachant et toute erreur de sa part sera considérée comme inexcusable. Les tribunaux sanctionnent les contrats pour erreur de droit. Ainsi en est-il de la cession de droits consentis par un héritier qui croyait, du fait de sa méconnaissance des lois successorales, n’avoir droit qu’à une part en nue-propriété alors que celle-ci était en pleine propriété. L’errans doit apporter la preuve de l’erreur c’est-à-dire de l’inadéquation de la représentation psychique qu’il avait de la chose avec la réalité, de ce que cet élément était déterminant, qu’il était entré dans le champ contractuel. La nullité du contrat est relative ; elle peut être sollicitée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte du vice. L’errans peut solliciter à la place ou en sus, de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. L’avocat mettra en lumière les points forts du dossier et aidera son client à collecter les preuves utiles.