Dans un arrêt rendu par la 2e chambre civile de la Cour de cassation en date du 8 décembre 2016 (pourvoi n°15-25.128), Madame X était gérante de la société Romi qui exerçait en location-gérance une activité de négoce de carrelage et d’équipements de salles de bains.
Elle a souscrit, en octobre 2006, auprès de la société Gan assurances Iard une assurance multirisque garantissant notamment la perte de valeur du fonds de commerce à hauteur de 35 000€.
Au mois de juillet 2007, l’agent général a été informé par un créancier de la société Romi que cette dernière avait acquis pour 140 000€ la branche d’activité exercée jusque-là en location-gérance.
En juillet 2009 la société Romi a signé un avenant portant la garantie « perte de fonds de commerce » à 38 760€, en tenant compte d’une augmentation de la surface des locaux.
En décembre 2009, elle a signé un second avenant portant cette garantie a 39 122€, en considération de ce que la gérante exerçait à titre personnel une activité commerciale dans les mêmes locaux.
Le 30 décembre 2009, un incendie a détruit l’immeuble et la société Romi a été indemnisée de la perte du fonds de commerce à hauteur de la somme prévue au contrat.
Le mandataire liquidateur de la société et Mme X agissant à titre personnel ont reproché à l’agent général d’assurances un manquement à son obligation d’information et de conseil.
En effet, l’expert d’assurances avait estimé la perte éprouvée à une somme supérieure à celle indemnisée.
Le mandataire et l’ancienne gérante ont assigné l’agent général et l’assurances GAN en réparation de leur préjudice.
La cour d’appel de Paris dans un arrêt du 7 avril 2015 à condamné in solidum l’agent général ainsi que le GAN à payer à la société mandataire à la liquidation judiciaire de la société Romi la somme de 49438,80 17€.
La société GAN a intenté un pourvoi en cassation en considérant que le devoir d’information et de conseil qui pèse sur l’agent général d’assurance ne lui impose pas d’intervenir auprès de l’assuré lorsque celui-ci est en mesure, à la simple lecture de la police et de l’avenant qu’il signe, de connaître les conditions précises du contrat.
La Cour d’appel avait retenu que l’agent général d’assurance avait manqué à son obligation de mettre en garde l’assuré sur l’inadéquation de la garantie souscrite et de proposer une garantie adéquate.
L’agent général avait reçu un courrier de l’organisme financier qui indiquait bien que le montant du prêt représentait 140 000€ afin de financer l’acquisition du fonds de commerce exploité par la société Romi.
La Cour d’appel en a déduit que l’agent général d’assurance ne pouvait que constater l’insuffisance flagrante du capital garanti au titre de la perte du fonds de commerce. Pourtant, l’avenant du 20 novembre 2009 ne comportait aucune réévaluation conséquente du capital assuré.
La société LE GAN faisait valoir que, lors de la souscription et lors de l’avenant, qui comportait les mêmes limites contractuelles de garantie, la société Romi n’avait pas manifesté son désaccord et qu’après le sinistre, elle avait même accepté l’indemnisation proposée.
Le GAN ajoutait encore pour sa défense qu’eu égard à sa situation financière difficile, il était aléatoire que la société Romi ait une capacité à supporter la charge financière de la prime afférant à un contrat d’assurance garantissant mieux, voire complètement, la valeur vénale du fonds de commerce.
La Cour de cassation statue en ces termes :
« Mais attendu qu’ayant relevé que lorsque la société Romi avait signé l’avenant du 20 juillet 2009 portant de 35000 à 38760€ le montant de la garantie perte de fonds de commerce, l’agent général savait que ce fonds avait une valeur de 140000€ et ayant souverainement estimé qu’il était ainsi en mesure de constater l’insuffisance de la garantie, la cour d’appel qui n’était pas tenue de procéder à la recherche visée à la première branche du moyen qui ne lui était pas demandée, ni de suivre la partie dans le détail de leur argumentation a pu, par ces seuls motifs, estimer que l’agent général aurait dû mettre la société Romi en garde sur l’inadéquation de la garantie souscrite à sa situation ».
La Cour de cassation ajoute :
« ayant retenu que le manquement de l’agent général à son obligation de mettre en garde la société Romi sur l’insuffisance de la garantie « perte de fonds de commerce » avait privé celle-ci de la faculté de souscrire une police garantissant mieux, voire complètement, ce risque mais que cette souscription a été affectée d’un aléa lié à la capacité de la société Romi de supporter la charge financière de la prime y afférente, la cour d’appel, qui a caractérisé la perte certaine d’une éventualité favorable, n’encourait pas les griefs avancés par la société le Gan ».
Dès lors, au titre de son devoir d’information et de conseil, l’assureur doit veiller à proposer à l’assuré un contrat adapté aux caractéristiques du risque et aux besoins en assurance de l’assuré et l’alerter, si nécessaire, si son inadéquation avec sa situation personnelle mériterait de revoir les conditions du contrat.
En vertu de l’article L 521-4 du Code des assurances
Avant la conclusion de tout contrat d’assurance, le distributeur d’assurance précise par écrit, sur la base des informations obtenues auprès du souscripteur éventuel, les exigences et les besoins de celui-ci et lui fournit des informations objectives sur le produit d’assurance proposé sous une forme compréhensible, exacte et non trompeuse afin de lui permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause
Le distributeur d’assurance conseille un contrat qui est cohérent avec les exigences et les besoins du souscripteur éventuel et précise les raisons qui motivent ce conseil.
La sanction du défaut d’information et de conseil consiste dans la réparation du préjudice résultant de la perte d’une chance d’avoir pu souscrire un contrat mieux adapté.