Un arrêt récent de la cour de cassation (civ 1ère 10 février 2021 pourvoi n°19-20.957, Légifrance) a statué sur le sort de la taxe d’habitation applicable à un bien indivis.
En l’espèce, K est décédé, laissant pour lui succéder ses trois enfants H X et J.
H a assigné ses frère et sœur en partage de la succession.
Il a soutenu que son frère J occupait la villa indivise de façon privative comme une maison de vacances sans permettre à ses frère et sœur de faire de même.
J a été condamné par la Cour d’appel de Paris sur le fondement de l’article 815-13 du Code civil, et il a été déclaré redevable envers la succession des taxes d’habitation de la villa indivise à compter du 1er janvier 2008 jusqu’à la libération effective. L’arrêt retient que ces taxes lui incombent en sa qualité d’occupant exclusif de l’immeuble.
J a intenté un pourvoi en cassation, soutenant que ces taxes devaient incomber à chacun des coindivisaires au prorata de leurs droits dans l’indivision.
Il a soutenu que ces taxes d’habitation ont vocation à conserver le bien indivis et que les charges afférentes au bien indivis doivent être supportées par les coindivisaires à proportion de leurs quotes-parts dans la succession.
La cour de cassation a curieusement cassé l’arrêt d’appel de ce chef (cassation partielle) et statué en ce sens que même si J occupait privativement la villa indivise, les taxes d’habitation se devaient être acquittées par les coindivisaires à proportion de leurs droits dans l’indivision, et que ces derniers seraient indemnisés de l’occupation privative au moyen de l’indemnité d’occupation prévue par l’article 815-9 du Code civil.
Les frère et sœur qui réclamaient une indemnité d’occupation pour jouissance exclusive de la villa indivise à hauteur de 1800 euros mensuels avaient apporté la preuve que l’occupant privatif avait changé les serrures, mis à son nom les abonnements d’entretien de la chaudière, de distribution d’électricité et d’eau. La sœur avait produit un constat d’huissier de juillet 2013 établissant cette occupation exclusive de son frère. Interrogé par l’huissier de justice venu sur place, il déclarait que ses frère et sœur pouvaient venir mais sans prétendre avoir confié le nouveau jeu de clé à ces derniers.
J déclare quant à lui, avoir seul payé les taxes d’habitation et les taxes foncières de 2006 à 2017, qu’il avait réglé par chèque après une mise en demeure des Impôts, que cette somme constitue une créance envers l’indivision. En effet, les taxes d’habitation permettent la conservation du bien indivis. L’article 815-13 du Code civil dispose que « Lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité ».
Les sœur et frère invoquent, quant à eux, l’article 815-9 du code civil selon lequel « l’indivisaire qui use et jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité ».
Selon la cour de cassation, il faut appliquer l’article 815-9 du code civil qui attribue une indemnité d’occupation aux héritiers lésés, tandis que les taxes d’habitation restent un passif successoral qui incombe aux indivisaires eu égard à leurs droits respectifs dans l’indivision.
La cour d’appel a donc violé l’article 815-9 du Code civil et elle a fait une mauvaise application de l’article 815-13 du Code civil.
Au vu de cette jurisprudence, l’occupant exclusif peut continuer à rester dans la villa indivise à charge pour lui de payer l’indemnité d’occupation à ses cohéritiers correspondant aux loyers mensuels tandis que les taxes d’habitation et foncières demeurent supportées par la succession c’est-à-dire par chacun des héritiers à proportion de sa quote-part dans l’indivision.
Voilà une décision qui ne dissuadera pas les occupants exclusifs d’installer leur nid dans la demeure familiale…
Publié le 9 février 2022
Me Ronit ANTEBI Avocate