La donation est présumée rapportable.
Le don manuel aussi.
Parfois les parents vont jusqu’à mettre à disposition d’un futur héritier un logement gratuitement, tandis que les autres enfants ne reçoivent pas la même considération.
Cette situation peut-elle être requalifiée de donation rapportable ?
Ou s’agit-il seulement d’un prêt à usage non rapportable ?
Cela dépend des circonstances factuelles.
Cour de cassation 1ère chambre civile du 26 septembre 2021, pourvoi n° 11-14033 :
Un fils avait occupé pendant 24 ans un logement parisien de 80 m2. La Cour a jugé qu’il avait reçu une donation correspondant au loyer qu’il aurait dû verser pour un logement semblable, sans tenir compte des améliorations qu’il avait apportées.
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Jacqueline X… est décédée le 16 novembre 2005 en laissant pour lui succéder ses deux enfants, Jacques et Antoine X… ; que, par acte du 30 mai 1996, ceux-ci ont procédé au partage des biens provenant de la succession ; qu’ultérieurement, Antoine X… a assigné son frère pour voir ordonner un complément de partage ;
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré recevable la demande de Antoine X… aux fins de voir constater que la jouissance exclusive et gratuite par Jacques X… de l’appartement de Paris de 1981 à 2005 constitue une donation rapportable et d’avoir ordonné la réouverture des opérations de comptes liquidation et partage de la succession pour procéder au complément de partage portant sur la donation indirecte procédant de l’occupation de l’immeuble de Paris évaluée à 500 000 euros ;
La cour de cassation dit que :
« Vu l’article 860 du code civil,
Attendu qu’estimant que la jouissance exclusive et gratuite, de 1981 à 2005, d’un appartement par M. Jacques X… constituait une donation rapportable à la succession, l’arrêt énonce que cet avantage doit être apprécié à sa valeur actuelle ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage d’après son état à l’époque de la donation, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Ici, la jouissance exclusive est une donation rapportable.
Cour de cassation, 1ère chambre civile du 11 octobre 2017, pourvoi n°16-21.419 :
Le fait pour un père de prêter quelques mois un logement à son fils a été considéré comme un « prêt à usage » ou « commodat » qui ne l’a pas appauvri, et non une donation.
Attendu que Mmes C… et Y… font grief à l’arrêt de rejeter leur demande subsidiaire tendant à voir ordonner le rapport à la succession de Jean Y…, par M. Y…, de l’avantage indirect dont il a bénéficié par la mise à disposition, à titre gratuit, de l’appartement situé […] , durant la période allant du mois d’août 2000 au mois d’avril 2011, alors, selon le moyen, que tout héritier venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; que la jouissance gratuite d’un immeuble peut constituer un avantage indirect rapportable dès lors qu’est établi, d’une part, un appauvrissement du disposant et, d’autre part, son intention de gratifier ; qu’en rejetant la demande tendant au rapport à la succession de l’avantage indirect dont a bénéficié M. Y… par la mise à disposition, à titre gratuit, de l’appartement situé au […] arrondissement de Paris
pour la période allant du mois d’août 2000 au mois d’avril 2011, au motif inopérant et erroné qu’un commodat n’implique aucune dépossession de la part du prêteur et qu’il serait incompatible avec la qualification d’avantage indirect, la cour d’appel a violé les articles 843 et 893 du code civil ;
Mais attendu que le prêt à usage constitue un contrat de service gratuit, qui confère seulement à son bénéficiaire un droit à l’usage de la chose prêtée mais n’opère aucun transfert d’un droit patrimonial à son profit, notamment de propriété sur la chose ou ses fruits et revenus, de sorte qu’il n’en résulte aucun appauvrissement du prêteur ;
Et attendu qu’ayant retenu que la mise à disposition par Jean Y… à son fils d’un appartement depuis l’année 2000, sans contrepartie financière, relevait d’un prêt à usage, la cour d’appel en a, à bon droit, déduit qu’un tel contrat est incompatible avec la qualification d’avantage indirect rapportable ; que le moyen n’est pas fondé ;
Au vu de ce qui précède, la mise à disposition gratuite d’un logement au profit d’un héritier mériterait que le ou les donateurs fassent connaître leur volonté de donner ou de prêter. Tout d »pend de l’intention du donateur de se dépouiller irrévocablement au profit du donataire, auquel cas il y aurait bien une « donation ».
Ronit ANTEBI Avocat droit des donations en successions
Publié le 22 janvier 2021
Cf
Légifrance Cass civ. 1ère, 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-14033
Légifrance Cass. Civ. 1ère, 11 octobre 2017, pourvoi n°16-21.419
Maître Antebi répond à vos questions en droit des successions
Le cabinet de Maître Ronit ANTEBI Avocat traite de nombreux dossiers en droit des successions dans toute la France et particulièrement dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette discipline du droit s’exerce le plus souvent à l’ouverture de la succession c’est-à-dire au jour du décès.
Bonjour,
J’ai besoin d’une confirmation suite au décès de mon papa
Je suis légataire universel; ma soeur, a juste raison a fait la demande de sa part
Mon papa
a fait des dons à ses petits enfants majeurs
a logé ma soeur gracieusement de mars 1972 à 2010 date de la vente de sa maison
Les dons et loyer sont ils rapportables?
Merci d’avance pour votre réponse
Cordialement
Gabriel P
@+
Bonjour,
J’ai été attentive à votre commentaire. Afin de vous aiguiller au mieux de vos intérêts et afin de personnaliser le conseil que vous souhaiteriez solliciter. Je me permets de vous inviter à bien vouloir contacter mon cabinet à Cannes au 07 61 61 01 02.
Maître ANTEBI
Bonjour,
Je vous remercie pour cet article fort intéressant. Il s’avère que je suis exactement dans la situation que vous décrivez: mes parents ont mis à ma disposition un logement gratuitement, tandis que mon frère ne reçoit pas la même considération (il ne vit pas en France). Mes parents et moi avons toutefois pris le soin de rédiger et de signer un commodat ou prêt à usage qui régit nos relations et obligations réciproques quant à l’usage de ce logement.
Si je comprends bien le sens des deux jurisprudences ci-dessus, la signature d’un commodat ne laisse aucun doute quant à l’intention de mes parents de ne pas se dépouiller à mon profit, et que par voie de conséquence, la mise à disposition du logement à mon profit ne saurait être qualifiée d’avantage indirect rapportable. Nous ne devrons donc pas procéder à un complément de partage procédant de l’occupation du logement au profit de mon frère lors de l’ouverture de la succession.
Ma compréhension est-elle correcte ?
Vos remerciant de votre retour
Bien cordialement