Lorsqu’un héritier a bénéficié d’une donation qui est passée inaperçue au jour du décès du donateur ou des donateurs, il est susceptible d’être exposé à une action en justice de la part de ses cohéritiers si à l’ouverture de la succession, ces derniers s’aperçoivent que le donataire n’a pas déclaré cet avantage au notaire de la succession, dans l’intention d’en occulter l’existence afin de ne pas avoir à en subir le rapport à la succession.
Il incombe aux cohéritiers d’apporter la preuve que cette donation a existé même si elle est occulte.
Cette preuve est parfois difficile à apporter car dans l’hypothèse même où les cohéritiers lésés démontrent qu’il y a des indices précis et concordants permettant de présumer fortement qu’un acte d’achat n’aurait pas pu être financé à l’aide des deniers personnels de l’héritier donataire, les juges exigent davantage encore.
Dans un arrêt en date du 26 septembre 2012 (pourvoi n°11-10.960, Légifrance), au visa des articles 1315 du Code civil – ancienne version (« celui qui se prévaut de l’existence d’une obligation doit la prouver ») et 843 du même Code (« Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement »), la Cour de cassation, première chambre civile, a cassé un arrêt d’appel.
En cet arrêt, Auguste X a acquis la nue-propriété d’une ferme par acte authentique de juillet 1947. Puis, il acquiert l’usufruit du même bien par acte authentique de décembre 1949. A la suite d’un incendie, survenu en 1981, il a perçu l’indemnité d’assurance. Ses parents sont décédés. Au cours des opérations de comptes, liquidation, partage des parents, Louis X et Lucie Y (les cohéritiers) ont prétendu qu’il avait bénéficié d’une donation déguisée dont il doit le rapport.
La Cour d’appel a jugé que Auguste X avait été bénéficiaire d’une donation déguisée en retenant divers indices précis et concordants qui permettent de conclure que le prix de la ferme acquise a bien été payé par ses parents :
- Auguste X n’était âgé que de 22 ans, il n’était qu’un jeune agriculteur tout juste majeur,
- Il ne justifie pas de la manière dont il a pu payer le prix d’acquisition de sa ferme,
- L’immédiate antériorité de la vente de biens immobiliers par ses parents,
- Le montant sensiblement égal du prix de ces deux opérations (vente, achat)
- Le fait qu’il ne disposait pas lui-même de la somme nécessaire à son acquisition
- Le fait que ses explications quant à l’emprunt qu’il aurait contracté sont inexactes (il avait souscrit un prêt mais portant sur le cheptel et non pas sur le bien immobilier lui-même, et ce prix n’était pas assorti d’une hypothèque mais d’un warrant agricole)
Pour la Cour d’appel, l’ensemble desdits indices permettent de dire que l’existence d’une donation indirecte est démontrée.
La Cour de cassation a cassé cette appréciation en considérant qu’il incombe aux cohéritiers qui s’estiment lésés au regard d’une donation déguisée non rapportée d’en établir l’existence matérielle ainsi que l’intention libérale (animus donandi).
Pour la Cour suprême, il incombait aux cohéritiers de prouver que les parents d’Auguste X avaient financé, avec l’intention libérale de le gratifier, l’acquisition par celui-ci de la ferme litigieuse.
A défaut, les juges du fond ont violé la loi car ils ont inversé la charge de la preuve en faisant supporter sur le donataire la charge de démontrer qu’elle n’a pas bénéficié de ce don consenti.
La preuve incombe donc au demandeur.
Ronit ANTEBI Avocat expert en donation dans le droit des successions
Publié le 19 octobre 2020
Nous sommes 5 enfants. Ma mère est morte le 27 10 2020. Elle a placé de l’argent en banque. C’ est ma belle-fille qui s’occupait des comptes et de ses papiers. Que doit-on faire ?