Rapport de la donation : Comment prouver que le bien immobilier était vétuste au jour de la donation ?
Les époux Antonio et Germaine sont décédés à Blois respectivement en 1988 et 2000.
De leur vivant, ils avaient consenti des donations à leurs enfants.
Ils ont laissé pour leur succéder quatre enfants, Cora, Régine, Antonine et Jeannine.
Un notaire à Blois a été saisi à la diligence des héritiers. Un projet d’état liquidatif a été établi mais Jeannine n’a pas voulu le signer.
Jeannine a reçu plusieurs donations dont celle de 1973 dont elle conteste la valeur du bien immobilier devant être rapportée. Elle souhaite à tout le moins rapporter le bien immobilier en nature et non en valeur.
Les cohéritiers ont donc saisi le Tribunal judiciaire de Blois pour demander l’ouverture des opérations de comptes/liquidation/partage judiciaires relativement aux successions de leurs parents.
Le Tribunal a donné droit à cette demande et a dit que les donations énumérées dans le jugement sont rapportables aux successions parentales à l’exception de celle consentie à Jeannine en ce qu’elle avait été convertie en libéralité préciputaire par acte notarié du 2 juin 1982. Le Tribunal a condamné en outre Jeannine au titre du recel successoral pour avoir dissimulé divers avoirs bancaires qui lui avaient profités.
Pour le reste, une expertise judiciaire a été désignée afin d’évaluer les biens immobiliers objet des donations rapportables d’après leurs valeurs actuelles au jour du partage en tenant compte de leur état au jour de la donation.
Jeannine a fait appel de la décision de première instance.
L’expertise judicaire a commencé dans l’intervalle mais les opérations n’ont pas pu se dérouler normalement.
En effet, Jeannine a entravé les opérations d’expertise, n’a pas répondu aux convocations de l’expert judiciaire, s’est opposée à la visite des lieux.
Elle soutient que les biens lui ayant été donnés étaient déjà vétustes au jour de la donation.
Elle verse aux débats des photographies des biens immobiliers mais celles-ci concernant des dépendances et non l’immeuble lui-même. Ces clichés témoignent d’une dégradation du gros œuvre.
Dans un arrêt du 26 mai 2008 (pourvoi n° 07.00272 Légifrance), la Cour d’appel d’Orléans juge que les photographies produites montrent une dégradation du gros œuvre mais celle-ci est imputable à un défaut d’entretien ; elle dit que l’appelante ne justifie pas avoir exécuté dans les lieux quelques travaux d’entretien que ce soit, au cours des trente dernières années, de sorte que le mauvais état actuel du gros œuvre lui est amplement imputable.
La Cour d’appel a jugé en outre, pour répondre aux allégations de Jeannine qui contestait le travail de l’expert qui avait procédé à une estimation par référence aux plans cadastraux, à l’aspect extérieur du bien et à sa situation locale, que la visite intérieure des lieux n’offrait qu’un intérêt limité et que seuls la situation de l’immeuble, la surface bâtie, la surface non bâtie, l’aspect extérieur du bien et sa situation permettaient d’aboutir à une estimation foncière suffisamment fiable pour pouvoir être entérinée.
La Cour d’appel a donc homologué les estimations de l’expert judiciaire correspondant à la valeur actuelle du bien au jour du partage en tenant compte de l’état (non vétuste) au jour de la donation. Ces estimations seront rapportées à la succession par Jeannine, bénéficiaire de la donation rapportable.
Jeannine n’a pas réussi à prouver au moyen de simples photographies que le bien immobilier objet de la donation rapportable était dans un état vétuste au jour de la donation. Elle devra rapporter la valeur actuelle du bien, estimé au jour du partage.
Ronit ANTEBI Avocat à Cannes